Une semaine pour tout changer - pv Ezekiel

My Story...

Etait-ce ce souvenir douloureux ou l'appréhension de la réaction que pouvait amener mon récit qui me faisait trembler ainsi? Je n'en savais moi-même pas grand chose... Je préférais en général ne pas avoir à raconter tout ça. Bien sur, je n'avais pas tout dit, j'étais restée évasive sur certains moins, mais c'était déjà suffisant pour briser l'image que je m'efforçais de donner de moi: celle d'une demoiselle, d'une poupée, pourquoi pas même d'une princesse? Une fois que je disais que je savais me défendre et que je n'avais pas hésité à le faire à plusieurs reprises déjà, cette image s'estompait... Et elle partait en fumée quand je disais que je m'étais défendue de mes propres maîtres. Je ne m'en voulais pas une seule seconde de l'avoir fait, mais je préférais que cette partie de moi reste secrète. La première fois, je m'étais débattue car mon maître voulait couper mes ailes, la seconde je m'étais enfuie pour ne pas devenir un jouet que l'on se prête et que l'on s'échange... Et me voilà ici, racontant cette histoire... Ce qui était fou là dedans, c'est que chacun de mes maîtres avait commencé par être bon avec moi. Le premier aurait juste du rester sobre et le second avait préféré devenir inhumain que devenir un adulte, mais au début ils étaient gentils. Mais, étrangement, je ne craignais pas que cela arrive à nouveau. J'avais fait un pacte de confiance réciproque avec Gabriel et je ne le croyais pas désireux de le rompre!
Il s'était approché de moi pour me caresser la tête, essayant de me rassurer. Il me disait de ne pas m’inquiéter, après tout lui était différent des autres et il avait bien compris que je ne l'aurais pas visé si j'avais osé insulter son espèce. Ensuite, il me demandait de ne plus considérer mon histoire comme inintéressante car c'était nier une partie de moi et disait m'apprécier comme j'étais et ne pas vouloir que je me rende plus parfaitement docile pour plaire... Quelque part cela me touchait, moi qui avait tellement peur de le décevoir... Je me sentais même un peu bête d'avoir pensé cela. Je souriais, les yeux humides.
- Je ne veux pas effacer cette histoire, je sais que ce sont toutes ces choses qui m'ont permis de devenir celle que je suis aujourd'hui... Mais je ne veux pas que l'on me résume encore à cette étiquette d'hybride "potentiellement dangereuse" ou que l'on me prenne en pitié parce que je n'ai pas eu beaucoup de chance par le passé... Aujourd'hui je suis là et je voudrais que tu continues de me voir comme tu le faisais avant d'entendre tout ça, que rien ne change...
Je savais que j'avais toujours fait les bons choix, je ne regrettais rien, mais je ne voulais pas que l'on m'y oblige en me rappelant chaque jour ce que j'avais vécu. Aujourd'hui j'avais toujours mes deux ailes et ma virginité, et j'étais très bien comme cela... Qu'aurais-je été sans mes ailes? Qu'aurais-je été si j'avais laissé mon maître me prêter comme un objet? Non, vraiment, j'étais fière de mes choix... Mais je ne voulais pas pour autant les porter comme une étiquette sur mon front.
- Je ne suis pas dangereuse comme tous le monde a cru bon de conclure. Si je ne voulais rien te raconter jusqu'à aujourd'hui c'est que j'avais terriblement peur que tu penses ça de moi... Maintenant je sais que c'était stupide... J'ai confiance en toi alors je sais d'avance que tu n'auras probablement jamais à me voir agir de façon violente, aucune raison donc de m'inquiéter!

Des effets de l'alcool sur le corps humain

Suivant le cours de la conversation, je n'avais pas remarqué le niveau de la bouteille de vin qui baissait. Je ris à la petite pique lancée par Gabriel au sujet de ma prétendue violence face à sa camarade humaine... Enfin, ce n'était que de la repartie! Cela aurait été de la violence si j'avais planté mes crocs dans sa prétendue peau de bébé fraîchement enduite de cosmétiques à la graisse de baleine, au crin de licorne et aux produits chimiques divers et variés. Le goût aurait été déplorable. Je préfère encore boire le sang d'un vieil ivrogne! ... Enfin, passons, je n'allais pas me remettre en colère!
C'est seulement là que je me rendis compte de la quantité d'alcool que mon maître avait du ingurgiter... Pour dire de pareilles énormités il devait en avoir bu beaucoup. L'air de rien, il lançait un hasardeux "Je me demande ce que cela ferait d’embrasser une chauve-souris." afin de pouvoir en profiter pour me poser directement la question! Ce n'était pas bien différent d'embrasser une humaine, en fait, sauf que si tu te fais mordre la langue c'est plus embêtant! Le plus drôle, d'ailleurs, c'est que ça ne fait même pas mal. Ça se contente de saigner pendant des heures. Et cette pensée me faisait rire intérieurement! Quelle psychopathe je faisais!
- A part les crocs, ma bouche est comme celle d'une humaine tu sais! Répondis-je, un peu vexée. Quant à ta question, personne n'a vraiment envie d'embrasser quelqu'un qui peut d'un coup de dent provoquer une hémorragie.
Je restais évasive sur le sujet, un peu honteuse et surtout gênée que ce genre de questions arrivent sur le tapis. J'entendais bien conserver un peu de vie privée, tout de même... Je le vis reprendre du vin et le boire avant que j'ai le temps de l'en empêcher. Arrêter de boire me semblait une bonne initiative pour éviter le carnage! Il se lançait alors dans un discours confus comme j'en avais entendu souvent lorsque j'étais à la rue, expliquant qu'il préférait aller se coucher avant de se mettre à me faire des avances parce que ce ne serait pas très cool de sa part... Et s'excusait à la manière d'une personne alcoolisée de me dire cela alors que je pouvais risquer de le prendre pour moi.
Je n'avais jamais aimé voir les effets de l'alcool, cela me rappelait ce soir où j'allais failli perdre mes ailes... Je les sentais trembler dans mon dos rien qu'à y penser et cela me rassurait: elles étaient toujours là puisque je les sentais. Je pris une mine agacée avant de m'emparer de la bouteille.
- Tu as raison, il est temps d'aller se coucher. Le vin, c'est fini pour ce soir! Viens, je vais te ramener dans ta chambre, je ne voudrais pas avoir ta mort sur la conscience si tu tombes dans les escaliers!
Mourir ivre, c'est cool quand tu es un artiste incompris mais sinon c'est plutôt la loose!

Des effets de l'alcool sur le corps humain

La tournure que prenaient les événements ne me disait rien de bon. Gabriel s'amusait à prétendre que je l'avais fait boire pour lui faire faire tout ce que je voudrais mais nous savions tous les deux qu'il l'avait fait de son propre chef. Je m'éloignais vers la cuisine pour mettre ce qu'il restait de la bouteille hors de portée de mon camarade humain qui l'avait déjà bien entamée. A mon retour, j'entendis juste mon maître marmonner quelque chose que je ne compris pas et taper sa tête contre la table. Comprenant que son état n'irait pas en s'arrangeant, je me dis qu'il valait bien mieux le ramener dans sa chambre au plus vite... Mais allait-il parvenir à monter les escaliers dans cet état?
- A quoi tu joues? Fis-je en le rejoignant.
J'arrivais près de lui quand il se remit à parler avec une voix audible... Mais il divaguait toujours autant! Le voilà qui me disait que non, ma bouche n'était pas comme les autres et que, si je voulais le prouver, je n'avais d'autre solution que le bisou. Après un temps de réflexion, il lui vint la question que cela pouvait être vu comme du harcèlement, ne sachant décider il me posait la question, me demandait si cela me dérangeait qu'il songe à m'embrasser puis ce que j'en penserais si il le faisait, affichant sa petite mine triste... Zut alors, on dirait un gamin a qui on a volé son jouet dans la cour de récré! Je perdais un peu mes moyens face à son comportement et mit un certain temps à répondre.
- Tu bloques toujours là-dessus?! ... Tu sais sans doute très bien que tu veux m'embrasser juste parce que tu as trop bu! Et si tu le faisais... Je ne sais pas, moi! Et si on en discutait demain plutôt? C'est l'heure d'aller de coucher! On y va? ... Tu vas pouvoir monter les escaliers? Sinon je peux te laisser ma chambre pour cette nuit...
Le sujet était esquivé! Tout en parlant, j'avais posé ma main sur son épaule comme pour lui faire signe que j'étais juste là et qu'il pouvait s'appuyer sur moi pour se relever. Bien sûr cela signifiait que je devais rester proche de lui mais cela ne me faisait pas peur! Pourtant, quelque part, je ne pouvais m'empêcher de me demander ce qu'il allait faire.

Des effets de l'alcool sur le corps humain

Ma tentative de remettre cette discussion à demain visait bien évidemment à l'éviter: en effet, une fois l'alcool retombé il aura peu être oublié ce que nous nous sommes dits ce soir, et si ce n'est pas le cas il n'osera pas revenir là-dessus! ... J'espérais. Toujours était-il que cela semblait avoir échoué. Toujours complètement ailleurs, il m'avouait qu'il lui arrivait d'avoir envie de m'embrasser mais qu'il ne le faisait en principe pas, par peur de ce que cela pourrait changer entre nous. Sauf que, l'alcool aidant, il se sentait comme dans un rêve et disait donc que ce qui arrivait ici n'avait pas d'impact sur la réalité. Il pouvait donc faire tout ce dont il avait envie et, si cela ne fonctionnait pas, revenir en arrière ou simplement se réveiller pour que tout soit comme si de rien était! ... Sauf que ce n'était pas le cas, et que je me souviendrais de toutes ses bêtises demain matin.
Il se saisissait de ma main pour y déposer un baiser avant de la porter à sa joue. Je le laissais faire, quoi qu'un peu embarrassé, de peur de le faire tomber de sa chaise si j'avais le malheur de le brusquer un peu. Je fis mine de ne pas avoir écouté ce qu'il disait. Après tout que valaient ces "compliments" venu de quelqu'un de complètement ivre?
Non sans quelques difficultés, il se levait enfin, se demanda à lui-même pourquoi ses jambes étaient si engourdies puis repris son air de petit garçon dans un magasin de jouet pour se diriger vers ma chambre, en parlant comme si il s'agissait d'un paradis merveilleux. Je soupirais avant de le suivre de près pour m'assurer qu'il ne nous fasse pas une mauvaise chute.
Je passais devant pour ouvrir la porte de la pièce et allumer la lumière. A y réfléchir je n'avais pas changé grand chose, pour l'instant. A la fenêtre, j'avais ajouté un épais rideau noir opaque pour empêcher les rayons du soleil de me déranger. J'avais déposé sur le lits des draps bordeaux avec une couverture douce sur le dessus. Le sol était à présent habillé d'un tapis flambant neuf et la commode ornée d'un miroir à coté duquel trônaient quelques produits cosmétiques et accessoires pour cheveux. Sur la table de chevet, je n'avais pas jugé utile de disposer une lampe puisque je voyais très bien dans le noir. Il y avait simplement un vieux livre et une boîte à bijoux en bois héritée de ma mère que j'avais rapportée de ma cabane dans la ville souterraine. Je vérifiais d'un regard que tout était bien en ordre avant de le laisser entrer... Dans son état, qui sait ce qu'il ferait de mes sous-vêtements si je les avais laissés traîner! Je m'asseyais sur le bord du lit et entreprenais de déposer mon pendentif porte-bonheur puis de retirer les élastiques qui retenaient mes cheveux attachés, afin de ranger toutes ces petites choses et ne plus avoir à revenir dans ma chambre jusqu'à demain.
- Tu peux disposer des lieux mais ne t'amuses pas à fouiller dans mes affaires, sinon je serais très fâchée! Fis-je tout en me battant avec une mèche de cheveux rebelle. Moi je n'ai pas besoin de dormir, je vais retourner dans le salon...
J'espérais qu'il allait me laisser partir, cette soirée était déjà eu son lot de moments gênants...

Des effets de l'alcool sur le corps humain

Je faisais de mon mieux pour garder mon calme, être compréhensive, mon mauvais caractère avait déjà fait assez de dégâts ce soir et puis dans l'état où était mon maître il valait mieux que je m'occupe de lui et que je ne sois pas moi aussi dans l'excès. Je ne comptais pas le laisser faire n'importe quoi non plus, mais cela ne me mènerait à rien de hausser le ton alors qu'il était comme un gamin... Et puis je ne pouvais pas prévoir ses réactions, franchement, être douce et gentille était la meilleure solution. Le fait qu'il aie eu tout le mal du monde à rejoindre ma chambre me prouvait qu'il n'aurait jamais été capable de monter les escaliers, j'avais donc eu raison de lui proposer celle-ci. Le voilà qui entrait et m'expliquait sa déception puisque cet environnement ne me reflétait pas et me donnait l'air de quelqu'un d'effacé, il me promit aussi de ne pas fouiner dans mes affaires. Je hochais simplement la tête, tout en terminant de détacher et recoiffer mes cheveux. J'avais songé à quelques aménagements, à changer la couleur des murs, à acheter un cadre pour mettre des photos de mes amis... Mais pour cela il me faudrait un appareil photo pour les prendre! J'avais d'autres idées, mais pas vraiment le temps de m'en occuper: en journée, je préférais dormir ou rester à l'abri dans la maison à faire des cookies que de sortir acheter de la peinture et, lorsqu'enfin je pouvais sortir sans craindre le soleil, il était bientôt l'heure de la fermeture. Je manquais de bonne volonté pour m'en occuper, je devais avouer... Mais cela ne me dérangeais pas, moi.
Lorsque j'évoquais l'idée de retourner au salon, pensant en profiter pour faire la vaisselle et ranger un peu avant de m'installer devant la télé en attendant le matin, je m'étais heurtée à un refus catégorique. Je n'avais pas le droit de quitter la chambre. C'était son "rêve", donc c'était lui qui décidait. Je devais dormir avec lui... Alors que je pensais répondre "il n'en est pas question" et m'en aller quand même, il fut soudain doté de la force nécessaire pour me soulever -rappelons qu'il y avait quelques instants il n'arrivait même pas à se soulever lui-même, l'alcool à vraiment des façons particulières d'agir!-, puis il se jeta sur le lit en me serrant dans ses bras. Comment allais-je me sortir de cette situation?
- Je n'ai pas dit que j'étais d'accord!! Fis-je en me débattant un peu, mais je compris rapidement que cela ne servait à rien.
J'aurais pu le mordre et profiter de l'effet de surprise, comme je l'avais déjà fait dans bien des situations, mais je ne voulais pas lui faire de mal. Et puis il me suffisait d'attendre qu'il soit endormi assez profondément et je pourrais alors me dégager sans risquer de le réveiller... Voilà, c'était une bonne idée! Je n'avais qu'à attendre... Attendre...
Alors qu'il s'endormait je sentis son étreinte se desserrer, je serais alors capable de me dégager sans trop de mal, mais j'avais encore trop peur de le réveiller en le faisant. Si on mettait de coté la gêne, j'étais plutôt bien là... Evidemment mon lit était confortable, et la proximité me donnait suffisamment chaud alors que d'habitude j'avais tendance à me rouler en boule dans mes couvertures comme un burrito géant! Nous étions si proches que je pouvais sentir son souffle chaud sur ma joue et sentir sa cage thoracique se gonfler et se dégonfler comme il respirait. Cela avait quelque chose d'apaisant... Qui me donnait envie de dormir moi aussi... Je retraçais cette longue journée dans ma tête. Tout avait été de ma faute, en réalité: j'avais su dés le départ que cela se passerait mal mais je n'avais pas mit Gabriel en garde et, évidemment, j'aurai du... Mais pourquoi, d'ailleurs? Dans le fond, j'avais l'habitude qu'on me traite comme un serviteur, voire moins, et je ne me formalisais jamais autant. Je suppose que je fais qu'elle s'intéresse à mon maître m'avait poussé à agir de façon plus excessive que d'habitude. Je m'étais sentie menacée, je ne voulais pas qu'elle prenne suffisamment d'importance pour pouvoir me donner des ordres ou pire: me chasser. J'étais bien dans cette nouvelle vie, et j'appréciais sincèrement mon colocataire de fortune. Il était si différent des autres: lui ne me jugeait pas, il me voyait comme une égale, j'appréciais sa compagnie, même dans des moments comme celui-ci je ne pouvais pas me résoudre à l'envoyer au diable et ce peu importe la bêtise qu'il pourra faire... En réalité, pourrais-je le partager avec une autre, une humaine? Même si celle-ci acceptait ma présence et n'essayait pas de me nuire? Ne la détesterais-je pas obligatoirement peu importe ce qu'elle fera et qui elle sera? En fait... Sans doute! Mais pourquoi? Pourquoi nourrissais-je ce désir égoïste de le garder pour moi?
Les questions se multipliaient dans ma tête et j'avais l'impression de pouvoir voir les mots s'entremêler et doucement partir en fumée... Tout se faisait flou, mes yeux se fermaient et je me disais "allez, juste une petite minute, ce sera sans conséquence". Bercée par le son de sa respiration, je m'endormais doucement... Ce ne serait pas grâve, si je me réveillais en premier!