Le banquet des menteurs ► Ft. Gabriel Leblanc

Le banquet des menteurs

Suite à mon explication, le voleur compris qu'il était inutile pour lui de se déguiser en hybride et que cela allait sans doute le desservir à un moment où à un autre! En effet, les rebelles n'aiment pas trop qu'on se fasse passer pour l'un des nôtres. Nous avions déjà assez à faire avec les chasseurs qui nous envoyaient leurs Soldiers Neko afin de trouver notre planque! Si maintenant des humains commençaient à se déguiser en hybrides, on allait pas être aidés! Et si il se faisait prendre déguisé en hybride dans ces sombres quartiers, ils risquaient de se faire trancher la gorge! Enfin... Si ils s'arrêtaient là. Ils savaient, croyez moi, vous faire passer l'envie de vous payer leur tête.
Je ne pouvais que l'encourager à aller dans sa direction et à ne plus porter ce déguisement. Quoi qu'après tout cela ne me regardait pas. Cet échange terminé, il me serait bien égal qu'on le retrouve dans une ruelle sombre, entre deux bars, la tête séparée du reste du corps ou gratifié de quelques balles dans le torse. Que voulez-vous que j'y fasse? Je haussais les épaules.
-Ce n'était pas une si mauvaise idée. Il est clair que très peu de rebelles donneraient des informations à un humain... Mais en te faisant passer pour un des nôtres, tu risques surtout de te faire tuer! Tu as de la chance d'être tombé sur moi!
J'étais une chance pour tous ceux qui me croisaient, après tout! ~ J'aimais à me flatter moi-même! Je commençais à me sentir rassurée quand un deuxième flash lumineux se fit suivre d'un nouveau grondement venu du ciel. A nouveau effrayée, je repliais mes jambes sur moi-même, appuyant mes mains toutes tremblantes sur mes oreilles pointues afin d'essayer de réduire le bruit.[/color]

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Les rebelles n'étaient pas méchants, en soi, mais simplement méfiants. Nous pouvions avoir des réactions exagérées face au mensonge car il nous fallait nous en protéger, nous vivions dangereusement et nous le savions pertinemment. Je supposais qu'il pouvait comprendre, ayant été confronté à un chasseur. Mon opinion quant à lui n'avait pas changée, mais je me permettais de penser que même si les humains étaient des abrutis ils étaient sans doute aussi capable de réagir et d'apprendre du danger. Ils étaient tout de même plus malins que des insectes.
Nous étions tous les deux assis sur les cartons que j'avais mis en place sur le sol lorsque le second coup de tonnerre a éclaté, repliée sur moi-même, je n'avais pas fait plus attention que cela à ce que faisait l'humain. Lorsque le bruit cessa, il me demanda si j'allais bien et si je me mettais dans cet état à cause d'une sensibilité au bruit. Je ne savais dire si il était inquiet ou juste curieux. En effet, mes oreilles étaient bien plus sensibles que celles d'un humain, mais ce n'était pas cela qui me faisait trembler. C'était bel et bien la peur. Sans que je sache pourquoi, je ressentis le besoin de m'expliquer, comme pour extérioriser cette peur dont je n'avais jamais parlé à personne. Après tout, je ne recroiserais sans doute jamais cet humain alors cela n'avait pas d'importance!
-Ça va aller... Je pense... Quand j'étais enfant, un arbre est tombé sur un cabane ou je me trouvais, à cause de la foudre... Depuis j'ai une peur bleu de l'orage. C'est un comble pour une hybride des rues, pas vrai?
Je riais nerveusement, tentant de me prouver à moi-même qu'il n'y avait pas de raison d'avoir peur.

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Au fil des minutes je commençais à me dire que cet humain n'était peu être... Pas si stupide que ça? Je ne savais pas trop quoi en penser. Dans le fond, je ne comprenais pas vraiment ses motivations, il n'avait pas vraiment de raison de m'aider ou de s'inquiéter pour moi. C'était un peu ridicule, et le fait que je répondais à ses questions l'était encore plus! Mais, ma foi, si ça m'aidait à garder mon calme! Il tâchait de me rassurer en m'assurant que la foudre ne risquait pas de nous atteindre ici, qu'il n'y avait aucun risque. Il plaisantait même, précisant que si malgré tout cela arrivait il serait le premier touché car il était plus grand! Je ne savais pas si c'était vrai, mais si ça l'amusait!
Je laissais échapper un rire, juste avant qu'un bruit se fit entendre et que le plafond ne s'effondre, comme par hasard, sur la tête de l'humain malchanceux... Ce qui eut pour effet de saboter ce qu'il restait de son déguisement. Voilà qui était intéressant! Maintenant que je pouvais voir son visage, je le tenais à ma merci. J'avais eu beaucoup d'occasion d'améliorer ma mémoire visuelle et je savais très bien reconnaître un visage, avec cela je pouvais à tout moment le retrouver... Et vendre cette info comme monnaie pour ma propre liberté! Qui sait, si c'était un grand criminel je pouvais peu être même obtenir un titre de noblesse! Ça, c'était un bon plan! Mais alors, qu'est-ce qui m'en empêchait? Je pouvais peu être devenir noble en vendant ce simple humain dont je ne me souciais pas plus que ça... Hum... Mais je pouvais aussi lui ordonner tout ce que je voulais! Le chantage, c'est mal, mais c'est pratique!
Il m'indiquait qu'il valait mieux déplacer les cartons pour qu'ils ne soient pas mouillés, ce qui ramènerait leur intérêt à zéro. C'était une bonne idée mais, étant la seule à y voir quelque chose, j'allais sans doute devoir me débrouiller toute seule...
-Bonne idée... Fis-je, en me levant.
Je deplacais les cartons un par un en les tirant vers le bureau, à l'abri de la brèche d'où l'eau de pluie continuait de couler.
-Il faut aussi boucher ça... Sinon cette pièce va se transformer en pataugeoire en moins de deux.
Je réfléchissais, mais je ne voyais pas de solution viable...[/color]

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Je voyais clairement la situation jouer en ma faveur, mais pour l'instant nous avions d'autres chats à fouetter! Il fallait commencer par nous mettre à l'abri de cette nouvelle menace qu'était la fuite d'eau du plafond... Et ce dans le noir! L'humain décrocha la porte d'un meuble puis me demandait de le guider afin de pouvoir boucher le trou du plafond à l'aide de cette dernière. Je m'approchais pour mieux voir afin de donner les explications les plus claires possibles. Après s'être un peu battus, nous avions finalement réussi à régler le problème et nous n'avions plus qu'à espérer que cela tienne!
Alors que le voleur déposait son manteau trempé dans un coin, je lui jetais la couverture afin d'éviter qu'il n'attrape la mort avant que nous ne soyons parvenus à trouver la sortie. C'était en quelque sorte ma poule aux œufs d'or, il fallait que j'en prenne bien soin! Ensuite, je ne me fis pas prier et retournait m'installer sur un carton. J'attendais qu'il me rejoigne avant de lancer:
-Ce masque était plutôt réussi, dommage qu'il soit complètement fichu. On dirait que tu as fini de mentir, n'est-ce pas?
Cette situation me semblait amusante: sa vie entre mes mains et cette sensation que la liberté était enfin véritablement à ma portée. J'étais sure de pouvoir, en étirant un peu le bras, la toucher du bout des doigts, et c'était déjà quelque chose! Etait-il assez dangereux pour mériter un titre de noblesse? Il fallait que je parvienne à le savoir! Mais le voulais-je vraiment, ce titre? Je repensais à Léonce, mon premier maître, et je me rappelais que les nobles n'étaient depuis toujours que des poupées... Il y avait sans doute mieux à tirer de cette situation qu'une invitation officielle à devenir le pantin de l'Etat de Nekai! Je tentais une approche que je n'avais pas encore essayée: le charme. Voyons qui sera le premier à amadouer l'autre!
-Je dois dire que ça je n'avais pas deviné! Enfin, tu devrais enlever ce qu'il en reste, tu seras sans doute beaucoup plus mignon... A moins que tu ne craignes que j'aille vendre l'info à la police ou je ne sais qui d'autre. Je pourrais m'offrir un joli titre de noblesse, avec ça... Mais je vais être franche avec toi: ça ne m’intéresse pas.
Enfin, pas vraiment, disons que je préférais autre chose![/color]

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Je voyais en face de moi un humain qui tentait de reprendre le contrôle d'une situation où il était clairement en désavantage... Et il fallait dire que c'était vraiment très agréable à regarder! Celui-ci sembla s'énerver et tenter de me faire comprendre qu'il ne me laisserait pas faire si j'essayais de le manipuler et de le dépouiller. L’appellation "vulgaire raquetteuse" me semblait vraiment mal-venue: n'était-ce pas lui le type qui volait des milliardaires sans trop de pitié pour eux et surtout pour leurs employés qui risquaient de perdre leur travail et d'avoir des ennuis? Et c'était moi la raquetteuse? Il n'avait même pas entendu ce que j'allais lui demander et le voilà qui m'insultait déjà.
Plutôt que de m'énerver à mon tour, je ne pus me retenir de rire.
-Ah, c'est fou ce que vous autres, humains, pouvez vous mettre dans tous vos états quand vous vous retrouvez en position d'infériorité face à un hybride!
Il fallait bien avouer que c'était drôle! ... Enfin, pour moi en tout cas. Lui semblait plutôt pressé de savoir ce que j'allais lui demander. Et il n'allait pas très déçu.
-Je ne suis pas une voleuse, moi. Fis-je, comme pour lui renvoyer la pic qu'il m'avait lancé. Je n'aurai nulle part où cacher ton argent si je te le prenais, de toute façon. Tu vois, j'aime beaucoup ma vie comme elle est actuellement: j'ai un endroit sur pour vivre et je parviens à subvenir à tous mes besoins par moi-même. L'ennui, c'est que certains humains aiment à mettre cette petite vie tranquille en péril. Si tu vois où je veux en venir.
Je le laissais réfléchir un peu, sure que cela allait le faire paniquer.
-Concrètement, j'ai besoin d'un humain qui signe pour moi le registre des hunters. Officiellement, tu deviendrais mon maître mais cela ne changera rien pour toi: je disparaîtrais de ta vie et si tu me croises dans la rue tu pourras faire comme si tu ne me connaissais pas. Ta liberté contre la mienne, qu'en dis-tu?
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La proposition que j'avais faite était assez simple: en échange d'une simple signature sur un petit formulaire de rien du tout, il obtenait l'assurance que je ne dénoncerais pas ses méfaits et pouvait ainsi continuer à vivre comme il l'avait fait jusque-là, sans se soucier de moi ou de ce que je connaissais son secret. Il n'y avait pas plus simple et plus équilibré, comme proposition. Qui plus est, par ce moyen, nous devenions tous les deux liés et il m'était donc impossible de le dénoncer sous peine de finir directement à l'animalerie voire derrière les murs du camp de redressement pour hybrides... Et ce n'était vraiment pas ce dont j'avais envie dans l'immédiat!
Je trouvais que c'était un bon échange, et que c'était ce que je pouvais attendre de mieux de cet humain, mais ce fut sa réponse qui me surpris le plus. Certes, il marquait un point: je serais toujours mieux dans une vraie maison avec un toit étanche, du chauffage, l'eau courante et de l’électricité... Mais de là à me proposer de devenir vraiment mon maître... Il allait un peu vite! J'étais ce genre d'hybride plutôt craintif qui ne se laisse pas avoir par le premier venu et, depuis toujours, j'avais pensé qu'aucun humain encore présent sur les terres de Nekai ne me méritait. Je comprenais ses intentions, pourtant: avoir une informatrice à portée de main était toujours plus simple, j'avais quelques contacts et je savais comment obtenir des informations... Un point positif se dessinait aussi pour moi: la possibilité d'aider mes congénères en aiguillant le voleur vers des personnes qui les mettraient en danger. Il insista aussi sur le fait que, si cela venait à se savoir qu'il possédait une hybride, il ne pourrait pas expliquer que je ne sois pas à ses cotés en train de faire mon travail... Ce qui n'était pas faux. Néanmoins les rapports des Hunters restaient secrets afin d'éviter des litiges éventuels et à moins qu'il n'aie des amis Hunters, personne ne pourrait savoir qu'il a signé un contrat d'adoption d'hybride. Enfin, à moi, rien ne me disait que je serais plus en sécurité avec lui que dans ce coupe-gorge qu'étaient les bas-quartiers de la capitale.
-Je ne suis pas encore assez naïve pour te croire sur parole! Fis-je, amusée. Il est vrai que, quitte à te demander tout ce que je veux, je pourrais aller jusque-là. Mais rien ne m'indique que ce que tu es en train de me jouer là n'est pas un autre de tes mensonges et que tu ne fais pas ça dans le but de m'amadouer avant de m'enfermer dans une cave humide et froide pour me torturer!
Je disais ça sur un ton calme, presque en riant, cela ne me choquait pas le moins du monde tant c'était devenu commun.
-Par ailleurs, cette alliance ne m'oblige pas le moins du monde à te rester fidèle si tu abordes un comportement qui me semble préjudiciable. Ce ne serait pas la première fois que je sors d'une cage!
En disant cela, je me sentais assuré de toujours avoir le dessus sur lui et, par la même, cela me mettait dans une situation plus agréable. Je n'avais pas refusé sa proposition, bien au contraire, mais je voulais être sure qu'il avait bien compris que c'était moi qui décidait.[/color]

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Mon but premier était simplement de faire comprendre que, peu importait la situation, je restais en position de supériorité et refuserait catégoriquement de me laisser marcher sur les pieds par lui sous prétexte qu'il était un humain. Là, non, jamais ! J'avais évoqué l'idée d'un piège sur le ton de l'humour, presque, comme si je ne voulais pas admettre que ce genre de réalité soit possible. Mais, malheureusement pour moi, j'en avais déjà fait les frais et je savais qu'en ces lieux tout pouvait arriver. A cela, l'humain prit sa propre défense en tâchant de m'expliquer qu'il n'était pas comme je pouvais l'imaginer... Un truc que tous les humains font, de toute évidence, et ceux qui le font le mieux sont souvent les plus mauvais. Quoi que, lui me semblait à peu près crédible. Il n'était franchement pas le type le plus honnête du monde, et l'idée d'être l'hybride d'un hors-la-loi était sans doute assez loin de la situation stable dont je rêvais... Mais c'était toujours un bon plan pour l'instant. Quelque chose de temporaire, je finirais par trouver mieux si mieux il y a et à ce moment-là je pourrais aisément lui fausser compagnie. Je songeais une seconde au traitement qu'il aurait déjà pu m'infliger si il avait voulu me faire du mal. Bien sur, cela ne faisait pas de lui un parfait innocent complètement inoffensif pour moi, mais l'idée me semblait évidente que moi aussi je pouvais lui faire du mal si je le souhaitais : après tout j'avais des crocs, j'avais faim et ce qui coulait dans ses veines aurait pu s'avérer un bon casse-dalle ! L'espace d'un instant, je me perdais à me demander quel goût avait son sang, puis je me repris... Il fallait que je garde mon calme si je voulais continuer à avoir l'air crédible !
Sa façon de formuler les choses me semblait tout ce qu'il y avait de plus juste : pour que je lui fasse confiance, il n'avait qu'à arrêter de me mentir... Mais à ce moment-là, il ne serait plus capable de répondre à certaines questions trop indiscrètes. J'étais d'accord avec lui et, moi non plus, je ne comptais pas répondre à toutes ses questions si il en avait. Cependant, le fait qu'il le dise ne me donnait pas la preuve qu'il allait arrêter de mentir car cet homme n'était manifestement pas un pantin de bois à mon grand désarroi. Il s'allongeait sur un carton en finissant son discours, m'assurant que je pouvais lui donner ma réponse quand je le souhaitais. Il semblait plutôt détendu, comme si le fait que je pouvais le vider de son sang à quelques minutes lui échappait.
-Et te laisser une chance de t'enfuir ? Non mais tu veux rire ? Je prendrais ma décision avant que nous soyons sortis d'ici ! Fis-je.
Je l'observais un peu, en silence, pensive. L'idée que je le traite de potentiel psychopathe n'avait pas semblé lui plaire, déjà qu'il n'avait pas apprécié que je lui renvoies sa qualité de voleur à la figure ! Mais jeter des pics aux humains était ma façon des les évaluer. Ce genre de réaction spontanée ne peut pas être le fruit d'un jeu d'acteur, d'ailleurs bien des gens ne les remarquent même pas... Mais j'étais plus maline que « bien des gens » ! Je savais aussi depuis le début qu'il essayait de me tenir à distance raisonnable de sa vie, c'était pourquoi sa proposition n'avait surprise. Qu'allais-je faire maintenant ? Je devais réfléchir encore un peu... En rajouter une couche ?
-Il ne t'aura pas échappé que j'aurai déjà pu te tuer, me repaître de ton sang et m'en aller avec tous tes effets personnels. Mais malgré mon profond dégoût pour votre espèce, je me refuse à devenir l'idée que vous vous faites de nous. Je pourrais t'éliminer à tout moment et toi de même, mais tu ne le fais pas. Même si, tu l'as dit toi-même, ce serait bien plus simple. Si tu ne le fais pas, c'est que tuer reste un interdit pour toi. J'ai raison ? Ou alors tu te dis que ce serait dommage parce que j'ai encore tant d'informations pour toi! Je ne sais pas ce qui te pousse à vouloir me laisser la vie mais ça m'arrange alors je ne vais pas m'en plaindre. Toujours est-il que temps que j'ai cette chance, autant sauter sur toutes les occasions.

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Après avoir explicité la ridicule simplicité avec laquelle j'aurais pu le tuer, je constatais chez l'humain comme une gêne, une inquiétude justifiée qui semblait se manifester soudainement. Il venait tout simplement de comprendre à quel point j'étais un danger pour lui. Certes, j'en étais capable mais toujours était-il que je me refusais à le faire. Je mordais en général pour me défendre et cela suffisait presque toujours. Puisque je pouvais me nourrir d'autre chose, il me semblait inutile de saigner des gens ou des animaux... Je mangeais comme les humains. La menace de mes crocs était à elle seule capable de faire fuir une bonne partie de ceux qui voudraient me chercher des noises. Pour les chasseurs, les seules vraies menaces, je les évitais juste soigneusement.
Après quelques minutes, je finis par avoir un vrai retour sur ce que j'avais dit. Il commençait par admettre qu'il n'avait pas pensé à la possibilité que je puisse le vider de son sang. Techniquement, je ne pense pas être capable d'en boire assez pour le tuer mais avec les doses de draculine que je peux sécréter, largement supérieures à celles d'une chauve-souris normale, il devrait saigner assez pour au minimum tomber dans les pommes! Je n'avais jamais vidé personne de son sang alors je n'avais aucune idée de mes capacités. Enfin, si je mords dans une artère, ça devrait marcher! Encore faut-il savoir si mes dents sont assez aiguisées pour percer une carotide!
Enfin, mes hypothèses furent confirmées sur ses raisons de ne pas me tuer: il ne le souhaitait tout simplement pas. Bien qu'étant déjà un brigand, il ne voulait pas le moins du monde devenir un assassin et accordait tout de même une valeur assez importante à la vie pour ne pas la retirer sans raison. Il affirma cependant que face à quelqu'un qui voudrait le tuer, il aurait si peur qu'il serait capable de commettre l'irréparable pour défendre sa propre vie. Je comprenais tout à fait ce point de vue et me mit à réfléchir lorsqu'il me demanda le mien. En étais-je capable? Au cours de ma vie, j'avais vu des gens mourir, j'avais couru de grands dangers, emmagasiné beaucoup de haine, mais je n'avais jamais sincèrement voulu donner la mort à quelqu'un. J'avais vu, dans la ville souterraine, des hybrides enlever des humains. Je comprenais un peu ceux qui avaient des revendications, qui faisaient cela dans l'espoir d'être entendu, mais je n'avais aucun respect pour ceux qui le faisaient juste par volonté de vengeance. Cela me semblait ridicule. J'étais incapable de faire du mal gratuitement et je n'aimais pas attaquer physiquement. Je préférais user de la ruse ou prendre la fuite qu'avoir à montrer les crocs, si j'en avais la possibilité -et ce malgré le fait que je sois une personne plutôt susceptible-... Alors de là à tuer quelqu'un, je ne pense pas le pouvoir!
-Les rebelles ont toujours eu une image d'êtres violents, c'est simplement parce que c'est la seule façon qu'ils ont de faire entendre leur voix. Je le tolère mais je ne saurais pas en faire de même. Je ne veux agir de façon violente et quand cela est nécessaire. Je ne dis pas non plus que je suis une peluche pleine d'amour et que je ne ferais pas de mal à une mouche mais je me refuse à la violence gratuite. Comme tous le monde, je suppose que j'ai mes limites. Si moi ou une personne à qui je tiens était en danger immédiat, je pourrais sans doute en arriver à tuer mais cela me resterait sur la conscience toute ma vie. Tu vois où je veux en venir? Il n'y a rien de plus important qu'une vie, et je ne me considère pas le droit de prendre celle de quelqu'un, et surtout pas par vengeance... Cela n'apporte jamais rien de bon.
Je songeais à ceux qui m'avaient fait du mal. Jamais dans ma vie je n'avais cherché la vengeance, ma mère m'avait appris que celle-ci n'amenait jamais que la tristesse.

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Je n'avais jamais vu quelqu'un se venger et y gagner quelque chose. Pour ma part, j'avais toujours trouvé la vengeance stupide. Rendre les coups était faire preuve d'autant de bêtise que celui qui les avait donné en premier, d'autant que cela ne faisait que lui montrer qu'il vous avait fait souffrir et flatter son égo. Enfant, j'étais d'un naturel assez sauvage, mais il fallait croire que je m'étais assagie avec le temps. A l'époque, comme maintenant, je détestais que l'on me marche sur les pieds... La différence était que je pouvais rendre au double l'affront que l'on m'avait fait et que j'éprouvais le besoin de le rendre le plus rapidement possible afin d'éviter que celui-ci ne me trotte à l'infini dans la tête. Je ne supportais pas le sentiment d'infériorité. Aujourd'hui, j'avais appris à me contrôler et je pensais à présent que celui qui a besoin de montrer à tous qu'il est supérieur est en réalité au plus bas de la chaîne, poussé dans ses actions par son propre complexe et si facile à manipuler: il suffit de lui faire croire qu'il domine et il vous obéira sans même s'en rendre compte! Je n'avais aucun besoin d'humilier les humains alors qu'ils le faisaient très bien eux-mêmes. Je me contentais de les regarder, et de profiter du spectacle!
En parlant d'humain, celui-ci souriait et semblait sincère lorsqu'il m'expliquait à quel point ma réponse l'avait surpris et combien il trouvait mes paroles sages en comparaison à ses attentes, à l'image malheureusement juste que l'on se faisait du rebelle: violent et constamment en conflit. En l'écoutant, je me disais qu'il avait compris où je voulais en venir: mon but était juste de vivre paisiblement et j'avais fait taire ma haine pour les humains au profit de ma recherche de stabilité. J'étais assez satisfaite de me sentir comprise, mais il ne fallait pas pour autant qu'il se dise qu'il peut remonter dans mon estime juste en disant de gentilles choses!  
- Je reste plutôt susceptible, malgré tout... Personne n'est parfait!
Fis-je en haussant les épaules. Il était vrai que, dans l'instant, j'avais tendance à m'énerver lorsque l'on me manquait de respect et j'avais alors cette sale manie de montrer les crocs. C'était mon petit défaut, et je pensais qu'il fallait m'accepter avec.
- C'est la première fois que je tiens une conversation aussi longue avec un humain... Enfin, le silence est assez oppressant quand on est enfermé alors ça ne me dérange pas plus que ça...
Je pus à nouveau me couvrir les oreilles en entendant un nouveau coup de tonnerre... Je l'avais presque oublié, celui-là!

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L'orage m'avait à nouveau surprise et je n'avais pu retenir ce réflexe de défense que de se mettre en boule en attendant que cela passe. Je le voyais comme... Une phobie comme une autre? Je n'avais pas énormément de défauts, si ce n'était celui-là! Cette maudite peur de l'orage qui me faisait sentir ridicule et surtout passer pour une faible quand celui-ci frappait au mauvais moment. Comment pouvais-je avoir l'air d'une hybride forte et indépendante quand je tremblais au moindre coup de tonnerre? Je me détestais pour cela. Je me repliais sur moi-même comme une petite tortue qui entre dans sa carapace, ou plutôt un hérisson qui se roule en boule, une de ces froussardes d'autruche qui fait mine de se planter la tête dans le sable pour ne pas regarder la réalité en face. A la manière des enfants qui jouent à cache-cache et sont persuadés que temps qu'ils ne vous voient pas vous ne pouvez pas les voir non plus. La frayeur passée, je pus entendre la proposition de mon camarade d'infortune qui souhaitais m'aider à affronter ce terrible orage. Autant dire que sa technique était assez... Particulière. Appuyant l'idée que les câlins ont un effet apaisant, il me proposait de dormir dans ses bras pour atténuer ma peur du tonnerre... Et puis quoi encore? J'avais de la chance d'être la seule à pouvoir y voir quelque chose parce que je pouvais sentir mes joues chauffer et rougir légèrement. Je ne voulais pas qu'il y aie d'interprétation à cette situation ambiguë si je venais à accepter mais dans mon état toutes les solutions semblaient bonnes à prendre. Je me plongeais dans ce dilemme alors qu'il se préparait déjà à dormir. Cela me semblait aussi une bonne façon de m'assurer qu'il ne me filerait pas entre les doigts car il ne pourrait sans doute pas se lever sans me réveiller... Hum... Que faire?
-Si tu penses que cela peut marcher... Je ne vois pas vraiment d'autre solution alors il n'y a plus qu'à essayer... Mais ne va pas en tirer de conclusions louches: si tu tentes quoi que ce soit je te fais deux jolis trous dans la carotide! Fis-je finalement.
Mes conditions étaient posées. Restait à voir si il les acceptait. Je détachais mes cheveux et pris un moment pour les recoiffer un peu avec mes doigts avant de les faire passer sur mon épaule afin qu'ils ne me gênent pas pour dormir... Il n'y avait rien de plus désagréable que de dormir avec des cheveux dans le visage!

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Malgré le fait qu'il l'avait déjà dit, j'avais ressenti le besoin de poser mes conditions avant d'accepter sa proposition car il me fallait la preuve absolue que je contrôlais la situation. Cela avait toujours été comme ça, avec moi, si mes souvenirs étaient bons. J'avais besoin de contrôler les choses et d'être sure que tout se passerait comme je l'entendais et je n'étais pas complètement sereine temps que je n'en avais pas la preuve... Une façon de se protéger des risques, en somme. Pour ne pas me répéter, j'avais élaboré une longue liste de façon de parler de mes crocs et je trouvais amusant d'en employer toujours une différente. L'humain affirma donc une seconde fois avoir confiance des risques qu'il encourait et ne pas souhaiter en prendre d'avantage. Il semblait même agacé d'avoir à se répéter... Ce que je comprenais, mais je visais toujours la sécurité avant tout!
Son petit discours terminé, il s'était allongé, avait baillé puis m'avait demandé à quelle heure je voulais me lever avant de se raviser en se rendant compte que nous nous ferions remarquer si on faisait sonner un réveil et des chasseurs pourraient nous trouver. Le sommeil se lisait sur son visage et sans doute sur le mien aussi... Contrairement à mes habitudes, je m'étais levée tôt aujourd'hui. D'ordinaire, je dormais toute la journée et je sortais au coucher du soleil et m'arrangeais pour rentrer à l'aube car le soleil et moi ne faisions pas bon ménage... Aujourd'hui, j'avais aidé les autres de la cité souterraine toute la journée et je n'avais donc que très peu dormi. Il avait plu la veille aussi et des infiltrations d'eau avaient fichu en l'air la moitié de nos provisions de nourriture, il avait fallu faire le tri entre ce qui était à jeter, ce qu'il fallait consommer de suite, et mettre en sécurité tout ce qui restait en bon état. Autant dire que toutes les mains dont nous disposions avaient été nécessaires! Je m'allongeais près de lui tout en me frottant les yeux.
-Tu as raison, mieux vaut éviter de se faire remarquer...

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Je comptais les gouttes de pluie qui j'entendais claquer contre le sol. Moi qui pensais qu'il serait facile de m'endormir, je m'étais trompée. Mes yeux, qui me menaçaient de se fermer sans prévenir, restaient maintenant désespérément ouverts. Ma tête se remplissait de questions existentielles auxquelles il me fallait répondre maintenant malgré leur intérêt vraiment limité. En bref, l'insomnie. Je pensais combien j'allais être décalée de mon rythme habituel si je dormais maintenant, puis me disait que c'était sans importance puisque j'allais sans doute devoir vivre comme les humains à présent. Ce que c'était contraignant! Me réduire à vivre le jour et à porter des lunettes de soleil en continu alors que j'avais la capacité de voir dans le noir et qu'il était tout ce qu'il y avait de plus simple de vivre la nuit avec pareille capacité! Et puis pourquoi devrais-je m'adapter, après tout? Pourquoi ce ne serait pas l'humanité qui s'adapterai à moi? C'est vraiment énervant de faire partie d'une minorité. D'ailleurs, le concept de minorité est énervant! Il nuit à la notion d'individu, c'est en voulant y répondre que l'humanité est devenue si normalisée et que tout le monde est pareil maintenant! Et les quelques uns qui voudraient penser différemment se brident pour ne pas... Paraître cinglés? Paraître, c'était devenu si important! [...] Et qui est le type qui a mit au point toutes ces normes aussi? Si je ne trouve... [...] Et on dirait que mes yeux commencent enfin à se fermer...
Il m'avait fallu plusieurs heures pour m'endormir, j'avais cru que le combat ne se finirait jamais. Enfin, mon esprit se libérait et je parvenais à rejoindre le royaume des rêves. Il y avait longtemps que je n'avais pas fait de beau rêve, je crois même n'en avoir plus fait depuis une bonne dizaine d'années! Ou alors je ne m'en souvenais pas... Je n'avais pas même l'habitude de rêver, je me réveillais souvent sans aucun souvenir, même résiduel, de ce qui avait pu me passer par la tête durant mon sommeil. Cette nuit, j'avais rêvé que je me transformais en chauve-souris et que je volais au dessus de la ville, je riais des humains en dessous de moi, je traversais les parcs en allant d'arbre en arbre, je m'arrêtais devant une boutique et me voilà en cage sans que je ne puisse rien y faire! Je me retrouvais seule avec l'obscurité qui m'était si familière jusqu'à ce qu'une vague de lumière s'abatte sur moi, je repris alors ma forme normale et me retrouvait au milieu d'une route en plein coeur de la ville. Une voiture klaxonnait, je me mis à courir jusqu'au trottoir, aussi vite que je pouvais pour ne pas me faire écraser. Essoufflée, je me retrouvais nez à nez avant... Je ne sus pas, mon rêve s'arrêtait là.
Je tirais mon petit coin de couverture vers mon visage en grommelant un peu Le réveil était d'autant plus difficile que la nuit n'avait pas semblé bien longue. Le soleil allait bientôt se lever mais pour l'heure je pouvais encore regarder devant moi sans me brûler les yeux. Je les frottais en me redressant doucement. C'était le moment idéal pour partir: les rues étaient désertes pour le moment, il ne devait plus y rester qu'un ou deux anonyme ivre mort entre deux poubelles, les gens étaient rentrer chez eux pour dormir, se remettre de leur longue soirée... Une chose était sure, il me faudrait un café en sortant d'ici!
-Bien dormi? fis-je à mon camarade d'infortune, d'une voix douce encore pleine de sommeil.