Le banquet des menteurs ► Ft. Gabriel Leblanc

Le banquet des menteurs

La vie était bien difficile quand on était un hybride et que l'on refusait de se laisser asservir par le premier venu. Quand on est une fille, cela n'arrange rien. Je m'étais enfuie de chez mon maître, c'était il y a 2 ans, je m'en souviendrais toujours. J'avais compris avec lui à quel point les humains sont cruels, avides, mauvais... Mais aussi à quel point ils étaient stupides! Donc je ne les craignais pas: je les méprisais. Cela faisait donc deux ans que j'évitais soigneusement le danger. La journée, je m'occupais dans la ville souterraine. Je donnais un coup de main quand je le pouvais ou alors je dormais. Du fait de ma nature de chauve-souris, je vivais la nuit. Je sortais donc dés le coucher du soleil et me rendais en divers lieux ou je pouvais espérer obtenir un peu d'argent. Il s'agissait souvent de bars situés dans les bas-quartiers. Paradoxalement, les chasseurs étaient très nombreux dans cette zone mais elle restait plus sure pour nous que tous les autres lieux de la ville. Je savais très bien quels endroits étaient à éviter!
Ce soir-là, j'avais choisi un petit bar situé entre rien et rien. Tous les autres commerces qui s'étaient installés par là avaient fermés les uns après les autres, des dizaines de rumeurs circulaient à ce sujet. Je les avais toutes déjà entendues. J'étais entrée d'un pas assuré, m'étais installée au comptoir et avait lancé au barman:
-Un Russe Blanc, s'il vous plait.
Il m'avait regardé d'un air un peu supérieur, comme si le gérant d'un misérable bar au fin fond de nul part avait plus de valeur qu'une hybride, puis il m'avait répondu sur un ton sec:
-T'as de quoi payer?
-Evidemment. Avais-je fait, sur le même ton.
-Y a intérêt. Ajoutait-il avant de s'éloigner.
J'aurais de quoi payer, à la fin de la soirée.
Il n'y avait pas grand monde, il fallait reconnaître. Des voix s'élevaient de temps à autres. Une bande d'habitués jouaient aux cartes dans un coin, noyés dans l'épaisse fumée de leurs cigares. Je guettais chaque ouverture de porte, à l'affût d'une nouvelle tête.

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Pour une raison que j'ignorais encore, j'avais l'intime conviction que cette soirée allait mal finir. Je tâchais de ne rien montrer de mon inquiétude et sirotais mon Russe Blanc tout en observant les clients du bar. Ce savant mélange de vodka, liqueur de café et lait était pour ainsi dire une des seules rares boissons alcoolisées que j'étais capable de boire sans me rouler par-terre et il valait sans doute mieux que je garde les pieds sur terre si je voulais gagner un peu d'argent ce soir.
Je tournais avec ma paille dans le fond de glace pillé qui fondait doucement dans mon verre lorsque la porte s'ouvrit dans un fracas. Voilà la nouvelle tête que j'attendais. Mais... Elle ne m'inspirais trop rien. Celui-là avait en plus mauvaise posture encore que moi! Pourtant, ivre comme il semblait déjà, il serait facile de lui faire les poches et peu être même pourrais-je, je ne sais pas, lui voler ses clés et passer une nuit bien au chaud! Sans que je n'eus vraiment bien compris ce qu'il venait de se passer, la salle éclata de rire. Le patron venait de coller ce qu'on appelle une patate de forain au malheureux bonhomme ivre. Celui-ci enchaîna sur un discours confus dans lequel il parlait de rendre la monnaie de sa pièce à son patron qui l'avait viré comme un malpropre. J'allais tenter un rapprochement.
Alors que je me levais de mon tabouret pour m'approcher de ma cible, un grand bonhomme barbu se levait d'une table pour venir au bar, au passage, il posa une tape bien virile sur mes fesses en lançant un:
-Pousse-toi, ma jolie!
Je m'indignais.
-Non mais ça va pas?! Ose recommencer et je te plante mes crocs dans la jugulaire, espèce de rustre!
J'aurais du garder mon self-contrôle. Mon plan tombait à l'eau.

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Décidément, cette soirée ne ressemblait à aucune autres! Et j'en avais vécu, moi, des soirées étranges. Après la bousculade du rustre, que j'avais déjà remis en place par mes propres moyens -à savoir la menace de mes crocs qui étaient ma seule arme de défense-, le mystérieux bonhomme à la bouteille s'était levé pour venir à mon secours. Cependant, il semblait que le grossier personnage n'ai pas vraiment apprécié de se faire remettre à sa place une seconde fois et le voilà qui s'énervait contre l'innocent... Qui s'en tira à un éclair par la magie d'une prise de judo plus que bien exécutée. Il se débrouillait bien, pour un ivrogne. Même trop bien! Ivre comme il voulait qu'on le croit, il devait à peine être capable de se tenir debout... Et voilà qu'il étalait comme une crêpe un ours de deux fois sa taille! Quelque chose clochait! Qui était-il vraiment? Un chasseur? C'était possible mais cela n'avait aucune cohérence avec tout ce qu'il avait dit et fait jusque là! Pourquoi cette histoire de système de sécurité? Je ne comprenais pas, mais j'avais envie de savoir.
L'air de rien, je sautais au cou de mon sauveur en m'écriant:
-Merci, merci beaucoup! Je vous suis éternellement reconnaissante!
Puis, je lui glissais à l'oreille:
-Joli coup... Presque un peu trop beau. Qu'est-ce que tu cherches, en vrai?

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Si quelqu'un savait quelque chose à quelque sujet que ce soit, ici, c'était bien moi. Je passais le plus clair de mon temps à épier des conversations, écouter aux portes, tendre l'oreille aux histoires parfois vraies de vieux alcooliques, ... Mais je n'étais pas le genre à partager mes informations aussi facilement! Je me replaçais à distance raisonnable de mon "sauveur" alors qu'il m'assurait être vraiment en quête d'informations et lançait un nouvel appel. Très franchement, quelque chose me dérangeait chez ce type. Il me cachait quelque chose et je voulais savoir quoi: j'avais une fâcheuse tendance à ne pas aimer tout ce qui gardait des secrets pour moi. Il me glissait à voix basse qu'il avait de quoi payer ce qu'il demandait. L'idée me traversa l'esprit que ce type puisse être juste un obsédé en quête de jeune fille naïve... Sauf que je ne l'étais pas et que pareille situation pouvait s'avérer arrangeante pour moi. En fait, quoi qu'il veuille, je pouvais toujours en tirer parti. Il y avait quelque chose à obtenir de cette histoire, et cela me tentait d'essayer!
-Puisque tu m'as aidé, je veux bien partager un peu de ce que je sais avec toi. Il n'y a rien en ces lieux qui ne soient pas encore tombé dans mon oreille! Fis-je, fièrement.
Je passais à coté de lui sans un regard supplémentaire et me dirigeait vers la sortie, comme pour l'inciter à me suivre dans un lieu dépourvu d'oreilles indiscrètes. Je lançais au barman:
-L'addition est pour lui, ça lui apprendra à garder les mains dans ses poches. En pointant du doigt l'autre gros lard qui peinait à se remettre sur ses pattes arrières.

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Je sortais du bar la première, et je savais que je n'allais pas pouvoir remettre les pieds dans celui-ci de si tôt. Les autres clients riaient, mais le patron n'avait pas l'air amusé. J'allais devoir lui laisser un peu le temps de m'oublier, et il fallait dire que c'était le cas pour beaucoup d'endroits en ce moment. Je me demandais ce que j'allais bien pouvoir faire de mes journées lorsque je me serais faite mettre à la porte de tous les lieux publics de ces quartiers. Grande question! Pour le moment, je voulais voir ce que je pouvais obtenir de ce type. Il me suivait à l'extérieur et, tout à coup, semblait devenir un autre homme. Il s'étirait, se rinça la bouche, se redressa. J'avais raison: il avait joué un rôle depuis son entrée dans le bar, et il continuait d'en jouer un.
J'allais demander, à tout hasard, ce qu'il avait à m'offrir en échange de ce que j'avais à lui apprendre. Mais il fut le premier à poser la question, ce qui m'amusa un peu. Je ne pouvais rien dire, pour le moment, puisque je ne savais pas de qui ou de quoi il voulait précisément entendre parler... Et surtout je ne parlerais pas avant d'avoir la preuve que ces informations ne seraient pas gratuites. Je m'avançais en quête d'un lieu tranquille, me tournais vers lui avec un sourire malicieux:
-Je te trouve un peu pressé. Et toi, qu'as tu à me donner?
Je fis encore quelques pas en avant et lança un regard alentour. Pas un chat dans ces rues, ce quartier était toujours désert. Une petite goutte d'eau vint atterrir sur mon épaule, puis une deuxième et bientôt une pluie torrentielle. Vêtue plutôt légèrement, d'une simple robe noire, je n'avais pas très envie de prendre la pluie et d'attraper un rhume. Je me mis donc à trottiner sans trop réfléchir vers le premier abri que je trouverais: un local commercial abandonné dans laquelle j'entrais pas une porte vitrée brisée.
-Bien. Ici, on peut parler, et on est à l'abri! Fis-je en essorant mes cheveux.

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Je m'étais mise à l'abri sans trop réfléchir et je me rendais à présent compte que je prenais un risque: rien ne me prouvait que les intentions de mon interlocuteur étaient vraiment bonnes et il n'y avait ici aucun témoin dans le cas éventuel où les choses tourneraient mal. Je ne pouvais donc qu'espérer que cette erreur de parcours ne me coûterait pas la vie. Apparemment, je n'étais pas la seule à me méfier. A peine arrivés, l'inconnu avait décidé de me prévenir tout de suite qu'il comptait sur moi pour ne pas l'attaquer avec toute une armée de gros bras car il n'avait pas envie de se faire frapper et qu'il me donnerait ce que vaudrons les informations que j'aurais pour lui. Nous avions tous les deux l'air plus méfiant l'un que l'autre, mais cela ne suffisait pas à me rassurer.
Il m'expliquait ensuite qu'il cherchait à voler des gens riches ne sachant que faire de leur argent et possédant de jolies pièces. Il fallait se douter qu'on ne croisait pas trop de milliardaires dans le coin, à part cet immonde bonhomme qui avait décidé de raser toute cette rue juste parce que cela lui plaisait et qui avait déjà commencé à racheter bâtiment après bâtiment. Par contre, il y avait beaucoup de rumeurs qui courraient par ici, les employés de gens riches ou leurs hybrides ou anciens hybrides avaient des tas de choses à dire une fois que l'alcool avait un peu endormi leur méfiance. La haine des riches était palpable dans le quartier et on en apprenait tous les jours sur leurs petites habitudes sans jamais avoir à les approcher. J'étais naturellement douée pour lier les informations entre elles et les hypothèses auxquelles cela me menait étaient souvent très proche de la réalité.
Avant de commencer à parler, j'allais m'asseoir dans un coin pas trop sale de la pièce, adossée à un pilier, je regardais vaguement à l'extérieur par la vitrine dont la transparence laissait à désirer.
-Je vois bien un type qui pourrait t'intéresser. On entend beaucoup parler de lui dans le coin, depuis qu'il a décidé de faire raser presque la moitié du quartier. Il y a un peu plus d'un an, il a lancé la construction d'un hôtel de luxe dans la forêt, près de la cascade. Puis il s'est rendu compte que le principal chemin d'accès à son joli hôtel décoré de dizaines d'oeuvres d'art était cette rue où nous sommes. Du coup il tente de racheter toute la rue pour la rendre moins sale, plus agréable à la vue de ses chers clients. En mettant dehors les habitants et en faisant fermer tous les commerces qui voudraient ouvrir leurs portes ici. Le maire semble plutôt d'accord avec lui, il dit que ça réduira le "terrain de jeu" des rebelles, mais personne ne se rend compte du nombre d'humains qui vivent encore ici.
Le genre de choses qui me feraient perdre foi en l'humanité... Si j'avais eu une pareille chose un jour!
-La construction de l'hôtel vient tout juste d'être finie mais il refuse de l'ouvrir temps qu'il n'aura pas réussi à "nettoyer le quartier". Un commerçant furieux a essayé de s'y introduire dernièrement pour tout vandaliser, et il a raconté tout ce qu'il a vu.
Je me gardais, pour l'instant, de lui dire que le Chat Noir était déjà sur le coup, attendant le bon moment pour tailler en pièce celui qui essayait de détruire notre repère. De toute façon, l'un ne gênerait pas l'autre.

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Je marquais une pause, prise de d'une toux sans doute due à la quantité faramineuse de poussière qui se trouvait en ces lieux. Le commerçant dont je parlais se nommait Yamada, et c'était un serrurier. Raison pour laquelle son témoignage avait autant de valeur à mes yeux. Il était venu noyer son échec dans l'alcool le lendemain de sa tentative d'intrusion, bien que fier d'avoir cassé trois vitres -aussitôt réparées, d'ailleurs-, il exposait à qui voulait bien l'entendre à quel point la porte d'entrée principale était inviolable. Et toutes les portes de service aussi, d'ailleurs: elles étaient pourvues de serrures incopiables, d'après lui. La seule issue possible devenait alors le toit. J'en avais discuté avec mon comparse félin. Les entrées aériennes, cela me connaissait. Comme j'étais dotée d'une jolie paire d'ailes, j'avais été faire un tour là-haut, pour aider Chat Noir dans ses repérages. Forcément, je savais comment entrer et comment sortir! Les systèmes de sécurité? Ça, j'allais y venir! Alors que je reprenais calmement mon souffle, le voleur commençait à s'impatienter et me fit une tirade m'expliquant qu'il n'était pas le genre "Robin des bois" et que je devrais être un peu plus précise si je voulais mon salaire. Je répondis sur un ton sec.
-Si tu veux la vérité, je pense que tu es à peu près aussi pourri que ce type, que ce soit dans le fond ou à la surface. Mais pourquoi crois-tu que je te parles plutôt de Krugger que... Je ne sais pas... Des Anderson? Eux aussi, ils ont une gigantesque maison pleine d'orfèvreries et de bijoux. Simplement parce que cela dessert mes intérêts! Je vis ici, moi, et je n'ai pas très envie qu'un gros bonhomme gras et laid vienne tout détruire à coup de bulldozer!
J'aurais tout aussi bien pu ajouter "maintenant tu la fermes et tu arrêtes de gesticuler sinon tu ne sauras rien de plus" mais je voyais déjà mon argent s'envoler au loin alors je tâchais de rester courtoise.
-Le fameux petit casseur de rien du tout, il a quand même assez d'expérience dans le milieu pour dire que toutes les portes sont à condamner. Les serrures sont tellement perfectionnée qu'il est impossible de copier la clé sans en posséder la matrice originale. La porte principale est blindée et essayer de défoncer une porte de service ne serait pas très... "discret". Il reste pourtant un accès: le toit. Il est plutôt facile d'accès vu que l'hôtel est au milieu de la forêt. Le dernier étage est couvert partiellement par une verrière, entrer par là est tout à coup beaucoup plus simple!
Les informations que je m'apprêtais à révéler étaient basées sur les dires du chat noir, mais j'essayais encore de cacher cela afin de ne pas inquiéter mon "client", en effet ce serait fâcheux si Krugger se faisait refroidir avant que monsieur n'aie le temps de commettre son petit cambriolage.
-Comme c'est un hôtel et pas musée, les systèmes de sécurité à l'intérieur sont assez rudimentaires. Il y a des caméras de sécurité et un type au sous-sol qui visionne les bandes quand il ne ronfle pas. Krugger est le genre de type qui n'a tellement pas de connaissance artistique qu'il incite lui-même ses visiteurs à toucher ses oeuvres d'arts. Du coup, pas de système de détection. Il est mondialement connu que Krugger est le genre à afficher sa richesse sans craindre une seconde qu'on lui vole, c'est sans doute ça qui le rend aussi agaçant. Si le cas t'intéresse, je peux obtenir les plans de l'hôtel avec une facilité déconcertante, et je sais également quelles sont les plus belles pièces qu'il a placé dans son hôtel.
Nous avions songé à afficher notre victoire sur Krugger en plaçant une de ses plus belles pièces au beau milieu de notre jolie rue  à laquelle nous tenions tant. Juste comme ça, pour montrer que nous étions plus forts que lui... Mais j'avais toujours trouvé l'idée mauvaise!

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Le voleur ne comprenait vraisemblablement pas pourquoi je tenais à ce qu'il vole Krugger, il avait raison: ce n'était pas cela qui l'arrêterait... Mais cela pourrait l'amener à agir dans la précipitation, ce qui de toute évidence le mènerait à sa perte. Jusque là, il avait agit avec une certaine finesse: personne ne pouvait prouver que c'était lui qui avait poussé les commerces du coin à la fermeture, par exemple. En agissant trop vite, il pourrait s'exposer directement et c'est à ce moment précis que nous frapperons. Chat Noir, d'ordinaire discret, voulait frapper un grand coup cette fois-ci, et montrer aux riches que leur argent ne les sauveraient pas si ils avaient l'audace de croiser notre chemin. Bien sur, cela entraînerait une plus forte présence de Hunters dans le quartier pendant un temps, mais l'important était que les humains tremblent en pensant à ce qu'ils risquaient si ils s'en prenaient à nous. Nous ne pouvions nous protéger que comme cela.
Les oeuvres de Krugger, des faux? Bien que c'était une conclusion acceptable au vue de la façon dont il les traitaient, je me permettais d'en douter. Je le pensais également jusqu'à ce que je vois les pièces par moi-même et comprenne que c'était tout simplement impossible. J'en avais reconnu certaines: elles appartenaient avant à mon premier maître, et c'était sans conteste des originaux. Restait l'histoire du plan. En réalité, nous l'avions déjà en notre possession, à la ville souterraine. Mais je ne pouvais pas risquer d'y faire entrer un inconnu, de plus avec cette maudite pluie il allait sans doute être impossible de rejoindre le tunnel.
-J'ai déjà les plans en ma possession, malheureusement avec cette pluie je ne peux pas me rendre dans l'endroit où je les ai laissés. C'est fâcheux, n'est-ce pas?
Le tunnel était inaccessible lorsqu'il pleuvait comme aujourd'hui car la terre devenait boueuse, impraticable et même dangereuse. Et c'était sans parler des risques d'éboulement. Je préférais éviter de risquer ma vie! Lorsqu'une partie d'un des tunnels s'écroule, on n'a aucun problème à le réparer... Mais si quelqu'un est en dessous, c'est sans espoir pour lui!

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Je me relevais pour m'étirer et épousseter ma jolie robe noire à présent pleine de poussière. Nos routes allaient sans doute se séparer et je rentrerais chez moi dés que la pluie se serait calmée, supposais-je. J'allais sans doute devoir faire le tour complet du quartier pour trouver un tunnel que je pourrais emprunter afin de rentrer, mais c'était les risques de la vie de rebelle et je le savais très bien, en contre-partie j'étais libre et je ne voyais pas où était le problème. Mon interlocuteur n'avait sans doute jamais eu vent de l'existence de la cité souterraine puisqu'il ne voyait pas où je voulais en venir quand je parlais d'un endroit rendu inaccessible par temps de pluie. Cela voulait sans doute dire que c'était un humain, avec certains on ne pouvait pas toujours être surs. Nous étions bien d'accord sur le fait que cette pluie allait durer encore une éternité, au moins, et cela semblait l'ennuyer de devoir attendre que cela se calme pour récupérer la carte. Il préférait sans doute rentrer chez lui, bien au chaud dans un lit douillet, et revenir le lendemain pour récupérer l'objet. Certains avaient de la chance!
Alors que je m'apprêtais à dire quelque chose, j'entendis une voix et des bruits de pas lourds qui se rapprochaient:
-Quelle plaie de devoir faire une ronde sous cette pluie! Il fait un temps à ne pas mettre un chat dehors! On ne trouvera jamais rien!
Une autre voix lui répondit. A la qualité des jeux de mots, je devinais qu'il ne pouvait s'agir que de Hunters. Ils étaient deux, peu être trois, et marchaient dans notre direction. Ils allaient sans doute jeter un oeil à l'intérieur en quête d'hybrides pris par surprise par cette pluie torrentielle... Un peu comme moi! Je jetais un rapide coup d'oeil dans la direction d'où ils venaient en soufflant:
-Merde, des chasseurs!!
Je n'avais pas l'habitude d'être vulgaire et, si je l'étais, c'est que je me sentais en danger! Je me mettais en quête d'une cachette, je repérais une porte, enfin ce qu'il en restait, et puis un escalier. Je me dirigeais donc par là, j'y serais sans doute plus en sécurité.

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Comme tous les rebelles, je détestais les Hunters, plus encore que les autres humains. Je les pourrissais purement et simplement. C'était assez logique lorsqu'on pensait qu'ils étaient les seules personnes capable de nous ôter notre liberté d'un simple claquement de doigt. Je les évitais comme la peste bien que l'envie de les éviscérer était très forte... La menace de mes crocs n'était pas suffisante à abattre ces fous armés jusqu'aux dents! Aussi, j'avais fuis comme à la mon habitude. D'ordinaire, mes ailes m'étaient d'une grande aide pour disparaître dans le ciel... Mais pour se cacher, elles étaient moins pratiques! Rapidement, je m'étais trouvée dans la réserve de l'ancienne boutique, accompagné de mon camarade d'infortune -même si, à mon avis, il n'avait pas à craindre les Hunters-. En quête d'une cachette, il m'avait indiqué le bureau. L'armoire aurait été trop simple! Nous nous étions donc cachés là, collés l'un contre l'autre, priant pour qu'on ne nous trouve pas. Je réfléchissais déjà à la façon de neutraliser deux hunters si ils venaient à nous trouver. Cela m'avait l'air d'une peine perdue.
La porte s'ouvrit à nouveau en grinçant, je me recroquevillais sur moi-même, mon coeur battait si fort que j'étais sure qu'ils pourraient l'entendre et nous trouveraient. J'essayais de garder mon calme, de garder mon calme, de garder mon calme. Il le fallait! Les deux chasseurs firent le tour de la pièce, je n'entendais pas ce qu'ils disaient. Lorsque le bruit de l'armoire me parvint je me sentis comme rassurée de ne pas m'y être trouvée. Enfin, ils sortirent dans un nouveau claquement de porte. Je me montrais patiente, ils pouvaient revenir et je préférais ne pas bouger ni faire de bruit encore quelques instants, pour être sure. L'autre sembla rassuré plus vite que moi.
-On est pas à l'abri qu'ils reviennent... Soufflais-je, tremblant encore un peu.
Nous pouvions à présent sortir de notre cachette. Je me levais, encore trop secouée pour penser à retirer la poussière sur ma robe, mes ailes et dans mes cheveux. Je me dirigeais vers la porte et tenta de l'ouvrir. En vain.
-Ça ne s'ouvre pas... Les chasseurs ont du utiliser leur pass pour verrouiller la porte afin d'éviter les visiteurs non-autorisés... Comme nous.
Il devait bien y avoir une solution pour sortir! La porte ne pouvait pas être fermée de l'intérieur, ni ouverte par extension, pas la peine de chercher à crocheter la serrure. A l'aise dans la pénombre, je cherchais une fenêtre par laquelle nous pourrions passer, un objet capable d'ouvrir cette maudite porte... Il y avait une petite fenêtre, mais elle ne serait peu être pas assez grande pour me laisser passer... Et quand bien même, pour tenter cela, il vaudrait mieux attendre que la pluie cesse. Il ne restait donc qu'une chose à faire: attendre.

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Nous voilà enfermés. J'avais toujours détesté être enfermée. Un peu comme tous les hybrides, je pense. Je n'en avais jamais connu aucun qui aimait être coincé entre quatre murs. Tout cela à cause de ces maudits chasseurs! Si ils n'avaient pas été là, j'aurai pu prendre mon argent et m'en aller, j'aurai rapporté le plan le lendemain et cette histoire aurait été réglée! Non, au lieu de cela je me retrouvais enfermée dans une petite pièce sombre avec un humain qui se faisait passer pour un hybride pour une raison que je préférais presque ignorer! De toutes les petites pièces sombres de ce quartier, il eut fallu que ce soit celle-ci. Dans la moitié de la pièce s'empilaient des cartons remplis de marchandises, dotée de la vision nocturne j'y avais jeté un oeil en cherchant un moyen de sortir. Je n'avais rien trouvé de concluant, à moins que ce genre de jouets pour adultes puisse ouvrir une porte! J'avais rougi à vue d’œil mais, fort heureusement, la pénombre avait caché cette réaction pour le moins embarrassante. L'humain me confirmait qu'il ne voyait rien de ce qui nous entourait et proposa malgré tout d'essayer de trouver de quoi se nourrir, puisqu'on allait être coincés ici un moment! Personne n'allait venir nous ouvrir, nous devions nous débrouiller par nos propres moyens... Et ils étaient un peu restreints.
Ensuite, l'humain se présenta et me demanda mon nom, un peu comme pour engager une conversation. Après tout, nous n'avions que cela à faire... Enfin, le nom qu'il m'avait donné était sans doute faux, après tout ce ne serait pas son premier mensonge.
-Mon nom est Ezekiel, enchantée John. Bien que ce nom soit sans doute un faux, comme le reste. Fis-je. Je suis une chauve-souris donc je vois parfaitement dans le noir. Je vais essayer de trouver quelque chose qui puisse être utile.
Je savais que c'était peine perdue, mais je me mettais en quête d'un quelconque objet qui puisse avoir une utilité. Les cartons ne contenaient sans doute que de la marchandise, je décidais donc de commencer par les tiroirs du bureau. Dans le tiroir supérieur il ne restait plus rien mais dans celui du dessous je trouvais un paquet de barres chocolatées Andersen. Je déposais le paquet sur le bureau et me dirigeais vers l'armoire, il n'y avait pas grand chose dedans non plus. Elle était sans doute destinée à accueillir les affaires des employés à l'époque où il y en avait encore. J'en sortis tout de même un plaid qui sentait un peu le renfermé.
-On a du chocolat et une couverture, ça n'ouvre pas les portes mais c'est mieux que rien.
Je déposais la couverture sur le bureau, m'emparais d'une barre de chocolat et chercha un endroit où m'installer. Il y avait un bureau mais pas de chaise. L'endroit avait du être dévalisé avant notre venue. Je finis par m'asseoir sur un carton en priant pour qu'il supporte mon poids.[/color]

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Je me faisais une petit place sur un carton très peu confortable tout en mangeant ma malheureuse barre de chocolat qui allait devoir me tenir au ventre parce que je savais que nous n'étions pas près de trouver autre chose de comestible ici. Si on arrivait pas à sortir et qu'on commençait à dépérir, je viderais mon camarade de misère de son sang pour survivre, mais on en était pas encore là! Je supposais que si il entreprenait de voler des riches il savait à peu près comment on ouvre une porte, sinon je me demandais bien à quoi les informations que je lui avais données allaient bien pouvoir lui servir!
Mécontent, ce dernier me fit remarquer que la couverture allait être trop petite pour deux. Je m'en doutais, il fallait dire, et bien que j'ai une sainte horreur d'être en contact physique avec un humain -surtout un qui essayait de se faire passer pour un de mes pairs depuis des heures-, je me sentais capable de me retenir de lui vidanger les artères si nous étions obligés de partager une couverture. Je lâchais un soupir.
-Si on doit partager, on partagera. Je vais pas faire ma diva alors qu'on a aussi peu de ressources. En plus, je suis pas le genre frileuse.
Il était vrai que, pourvue de deux grandes ailes dans le dos, j'avais un peu de mal à me couvrir et avant tendance à me balader le dos et les épaules nus, peu importe le temps qu'il faisait. C'était juste une question d'habitude! De toute façon, je n'avais pas les moyens de me payer des vêtements sur mesure dans une de ces foutues boutiques "pour hybride". Et même si je les avais, je ne pourrais pas passer la porte sans me faire passer les menottes! Je m'étais résiliée, à force. Puis les humains aiment bien ça, les hybrides légèrement vêtues. Ces détestables créatures.
J'étais prise par mes pensées lorsqu'un flash lumineux éclaira la pièce par la toute petite fenêtre, l'espace d'un quart de seconde, il fut suivi d'un long grondement. Je me recroquevillais sur mi-même en poussant un petit cri de peur, toute tremblante. L'orage. Il y avait des années que j'en avais peur. Petite, je m'étais cachée dans la cabane du jardin pour échapper à un punition, un orage avait éclaté et un arbre était tombé sur la cabane. J'avais failli mourir ce jour-là. Depuis, le tonnerre me paralyse complètement. En reprenant mes esprits, je me sentis honteuse. Ma crédibilité en avait prit un coup.[/color]

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Je tremblotais encore et me sentais surtout très honteuse. En général, je me débrouillais pour garder ce genre de petits détails embarrassants cachés. Il est vraiment des choses qu'il vaut mieux ignorer, vous savez! Après cet échec à garder mon calme et, ainsi, conserver indemne toute ma crédibilité, j'avais un peu de mal à répondre à la question "et maintenant, je fais quoi?". J'avais failli tomber de mon perchoir et avait donc décidé qu'il était plus sur d'en descendre et de m'asseoir sur le sol. Ce carrelage n'était pas très confortable: il était froid et dur, je réfléchissais à une solution tout écoutant ce que "John" avait à dire... Prions pour qu'il ne fasse pas de remarque sur ma réaction!
Afin de partager la couverture, nous allions devoir dormir ensemble. Faute de lumière, il ne pourrait pas ouvrir la porte avant demain et de toute façon la pluie ne faisait pas son affaire du tout. Il faudra que l'on discute du moyen d'échanger le plan lorsque toute cette histoire sera réglée. Bah, ça me convenait, tout ça. Il tenta ensuite un trait d'humour auquel je répondis par un regard noir.
-Je suis quand même un peu humaine, tu sais! Fis-je, outrée.
J'en avais entendu de si belles sur mon espèce que je ne parvenais plus à les considérer comme de l'humour. Vous savez, ces gens qui pensent que je vais me transformer en cendres si je sors en plein jour, qui ont l'image d'un personnage de film et qui pense que je suis un "vampire". Si j'avais un peu de mal à sortir lorsque le soleil était levé, c'était simplement parce que mes yeux étaient très fragiles! Et boire du sang ne me fait pas rester belle et jeune, d'ailleurs je peux me nourrir de tout ce que je veux! Et surtout, je ne dors pas la tête en bas... Ce genre d'idées saugrenues m'avaient toujours énervée, cela n'était pas près de changer.
Pour améliorer très légèrement notre confort, je me mis en quête de cartons vides et propres que je mettais à plat pour les étaler au sol comme un grand tapis. Voilà qui me paraissait un peu mieux. L'humain commençait à retirer ses fausses oreilles et sa fausse queue. J'avais donc raison. Il me demandait alors à quel moment j'avais compris qu'il mentait. J'entamais une explication tout en m'installant confortablement sur mon matelas de carton, tendant mes jambes qui commençaient à fatiguer.
-Je m'en doutes depuis le début. Je sais reconnaître un hybride quand j'en vois un, ils ont tous ce petit quelque chose de... Familier. C'est comme de l'instinct, tu vois? Qui plus est, je n'ai pas l'impression que tu saches tout du mode de vie des rebelles. Ce qui est normal, après tout. Et puis, quand les chasseurs sont arrivés, tu n'as pas réagi tout de suite. Comme si tu avais oublié ce qu'ils pouvaient te faire. Un vrai hybride n'oublie jamais.
Le calme revenait dans mon esprit, mais je continuais d'espérer qu'un nouveau coup de tonnerre ne se préparait pas...[/color]