A cutie girl who can drink your blood and let you die... | Ezekiel [END]

Ezekiel a débuté sa vie dans un immense château. Sans privilège particulier. Sa mère était au service d'un jeune noble. Il s'appelait Léonce, et c'était un hybride. Oui, qui l'eut cru? Un hybride au service d'un hybride. Léonce se décrivait souvent lui-même comme une perle rare, c'était une sorte d'esclave de luxe que l'on expose dans une vitrine, comme une vulgaire poupée. Une poupée. Une poupée très chère à laquelle on offrait plein de choses. Mais une cage, même dorée, reste une cage. Il était beau, blond, toujours souriant, il aimait la musique et voulait toujours danser. C'était un hybride, mais il n'était pas différent d'un maître humain: il traitait Ezekiel et sa mère comme des employées. Mais au moins il ne les battait pas. Parfois, il faisait des caprices: un thé trop froid ou trop chaud, un objet qui ne lui plaisait pas, une musique qui ne correspondait pas à ce qu'il voulait entendre... C'était un maître vraiment insolent. Mais c'était ce que Ezekiel avait vécu de plus facile. Elle grandissait en compagnie de sa mère, qui lui parlait de sa famille et de son héritage. A l'époque, elle était trop jeune pour comprendre qu'elle aussi aurait pu vivre dans un château comme Léonce... Et en grandissant elle n'en voulut pas. Sa situation s'était très vite dégradée. Le jour où Léonce quitta ce monde, une flèche dans le coeur. On dit que c’est l’oeuvre d’un hybride rebelle mais à mon humble avis cela ressemblait plus à celle d’un amant jaloux.
Quand un maître vous abandonne, un autre vient vous chercher. Normalement. Ezekiel avait seulement 10 ans lorsque Léonce est mort, mais elle se souvient très bien de lui... Et surtout de sa mère, qu'elle pleure encore souvent. Mais surtout, elle n'oubliera jamais cette longue période passée dans une cage, une boutique crasseuse, et tous ces gens aux regards scrutés sur elle, pauvre petite créature. Vendre une hybride si jeune était difficile. Elle avait tout juste l'âge d'être vendue, mais elle se comportait à l'époque comme une vraie petite sauvage! Sa mère est morte à l'animalerie, emportée par une maladie. La dernière fois qu'elle la vue, c'était le matin où on a emporté son corps hors de la boutique. Lorsqu'elle eut 12 ans, un jeune vendeur décida d'emmener la petite hybride chez lui un moment afin de "faire son éducation", espérant pouvoir enfin la vendre. On ne peut pas dire qu'il aie toujours été gentil avec elle... Il répétait sans cesse qu'elle ne serait jamais bonne à rien, qu'il ne pourrait jamais vendre pareille incapable et la frappait dès qu'elle faisait une erreur tout en évitant soigneusement de lui laisser de cicatrice. Cela dura une année puis il la remit en boutique.
Ezekiel a été adoptée pour la première fois dans les semaines qui suivirent par un couple qui venait de s'installer à Nekai. Les premiers mois tout alla bien, les deux humains la traitaient avec respect et ne s'abaissaient jamais à lui faire du mal. Elle entretenait la maison pendant qu'ils travaillaient, avait sa propre chambre dans le grenier et mangeait à sa faim. Mais un soir, l'homme rentra ivre d'une "soirée entre collègues" et décréta qu'il fallait couper les ailes de son hybride pour qu'elle ne puisse s'enfuir, idée d'un collègue qui avait une hybride oiseau aux ailes coupées. Il s'empara d'un grand couteau à viande et sorti l'hybride de son lit. Celle-ci, en se débattant, hérita d'une blessure à l'omoplate, tout près de son aile. Elle parvint à mordre son maître, dont le sang se mit à couler sans discontinuer par le pouvoir de la draculine, substance contenue dans la salive des chauves-souris vampires. Il l'enferma dans la cave et raconta à sa femme qu'elle l'avait attaqué.
Ezekiel a échappé de peu au camp de redressement pour hybride et a été renvoyée à l'animalerie. Ce coup-ci, avec une étiquette "hybride potentiellement dangereuse". Et, avec cette étiquette, vous devenez transparent pour le client lambda. Celui-ci préfère s'offrir un hybride gentil, docile et timide qui fera tout ce qu'on lui demandera sans sourciller et s'excusera avant même d'avoir fait une bêtise. Mais Ezekiel avait la chance d'être jolie, et certains humains s'intéressaient parfois à elle, puis les vendeurs les redirigeaient vers des hybrides plus chers. Ezekiel était une bonne hybride, accusée à tort, elle n'aurait jamais été violente envers son maître à cette époque. Puis, un jour, un humain a fini par venir. La jeune chauve-souris n'oublia jamais son nom: Kôsuke. C'était un garçon gentil de prime-abord, il l'avait achetée sans poser de questions. Il était tout juste majeur et vivait dans un petit logement d'étudiant. Ses copains venaient souvent à la maison, ils lui disaient à quelle point son hybride était jolie et faisaient des allusions que la jeune fille ne pouvait encore comprendre. Sa vie d’hybride de maison lui avait laissé au moins une chose: cette candeur qui la caractérisait à l’époque. Kôsuke disait qu'il l'avait eu à un bon prix mais qu'elle n'était malheureusement pas parfaite. Ezekiel redoublait d'effort à chaque fois qu'elle entendait cela. Un jour qu'elle pleurait dans un coin, Kôsuke lui dit cette chose:
"Tu n'as pas besoin d'être parfaite, juste jolie. Je t'ai achetée pour rendre mes potes jaloux, c'est tout."
L'hybride mit du temps à comprendre ce que cela pouvait vouloir dire. Après cela, elle devint coquette et ne chercha plus qu’à être jolie, comme son maître le lui ordonnait.
Kôsuke garda Ezekiel longtemps. Il lui offrait de jolis vêtements pour que ses amis continuent de la trouver extraordinaire et de la vouloir pour eux. Elle avait 15 ans quand il l'avait achetée et en avait à présent bientôt 18. Les finances du jeune homme, qui ne travaillait pas, commençaient à pâtir de ses achats compulsifs. Plutôt que de trouver du travail, il voyait une autre solution.
"Ezekiel, tu vas être gentille." Fit-il. "Mon copain Satoshi va venir. Fait tout ce qu'il voudra. Si tu ne le fais pas, je te revends, c'est compris?"
Ezekiel avait compris. Trop bien compris. Le temps lui avait donné suffisamment d’entraînement à comprendre les sous-entendus de ce genre. Lorsque Satoshi arriva, il demanda à avoir l'appartement pour lui tout seul afin de ne pas être dérangé. A peine son maître parti, Ezekiel en profita pour s'enfuir en mordant l'autre humain avant de sortir par la fenêtre. Elle venait de comprendre à ses dépends que les humains n'étaient pas des êtres de confiance. A partir de ce moment, la chauve-souris a vécu dans la rue avec d'autres rebelles. Elle se lia d’amitié avec un clan de rebelles et en devint rapidement l’informatrice. Elle donnait aussi quelques leçons de calcul et de lecture aux enfants.
La chauve-souris resta un peu plus d’une année et demi avec ces rebelles. Elle glanait des informations dans les bars des bas-quartiers et les offrait au clan, quant à l’argent qu’elle en profitait pour voler, elle le gardait souvent pour elle ou faisait des courses pour le clan avec. C’était jusqu’à ce qu’elle le rencontre, lui. Un curieux gentleman cambrioleur qui avait volé le coeur de notre jolie poupée. Elle était heureuse, ils s’aimaient, elle pensait que sa vie allait prendre un nouveau tournant… Elle lui avait pourtant demandé d’arrêter de risquer sa vie pour un peu d’adrénaline. Mais il avait répondu qu’il avait d’autres raisons. Ses vols étaient pour lui de petits spectacles, il impressionnait la galerie en déjouant les systèmes de sécurité les plus fous… Ce soir-là, l’un d’eux avait eu raison de lui et sa fin fut diffusée en direct sur NekaiTV. Sous les yeux de la pauvre Ezekiel, qui se retrouvait seule à nouveau. Elle avait rangé ses affaires les plus précieuses dans un grand sac: l’ours en peluche offert par son ami, la robe qu’elle portait lors de leur premier rendez-vous, les vêtements qu’il préférait, … Et elle quitta la maison avant que l’on vienne l’y chercher. D’abord triste, son coeur s’était rapidement noirci: il avait été comme tous les autres, il avait refusé de l’écouter et maintenant il était parti où elle ne pourrait plus jamais l’atteindre. De tous les hommes qu’elle avait rencontré, aucun n’avait su lui faire autre chose que du mal.
Elle les détestait tous.
Aujourd’hui, elle a pris conscience que son charme, qui était jusqu’alors à l’origine de sa souffrance, pouvait aussi être un outil. Elle retourne dans les bars glaner des informations, mais à présent elle n’a plus de scrupules, elle séduit ses proies et leur prend tout ce qu’ils chérissent en plus de leur argent… Et parfois la vie par morsure à la jugulaire s'ils se montrent trop coriaces!