Nouvelle vie (pv Hiwatari)

Franchement, qu'est-ce que je fous là? Je me posais la question autant que vous, à vrai dire. J'étais encore un jeune étudiant en médecine la dernière fois que j'avais passé les portes de cette boutique. A l'époque, je pensais que les hybrides étaient comme les humains... Comme j'étais bête! J'avais appris que c'était faux à mes dépends et depuis jamais je n'avais songé à faire passer à un hybride la porte de chez moi. Je les considérais avec bien trop de mépris pour cela. Et puis que vouliez vous de je fasse d'une créature aussi fourbe? Je pouvais tolérer leur existence, mais je ne voulais pas les avoir près de moi. Alors, comment avais-je fini dans cette boutique? Eh bien, c'était plutôt difficile à expliquer... Mais j'étais là pour Aria. Enfin, en quelque sorte! Depuis que j'avais commencé à aider cette chasseuse dans sa quête de vengeance sur les rebelles -pour la séduire, je l'avoue-, j'avais été amenée à soigner ses blessures plusieurs fois. Et je devais avouer que vu l'état dans lequel elle se mettait parfois j'avais toutes mes raisons de m'inquiéter. Avec elle, je ne pouvais pas me permettre de pratiquer une médecine de bourrin comme je le faisais à la clinique quand je recousais des braconniers... Elle, je tenais à ce qu'elle s'en remette! Je m'étais souvenu d'un sujet qui m'avait passionné lorsque j'étais encore étudiant: l'étude des propriétés spécifiques aux hybrides mystiques et les progrès qu'ils pourraient apporter dans la médecine. J'avais trouvé un contact qui avait accepté de m'envoyer des échantillons de produits en cours de développement... Mais le laboratoire avait brûlé peu de temps après que j'eu reçu les produits -on raconte qu'un hybride se serait rebellé, mais personne ne doit le savoir car cela créerait une panique générale!- ... Il allait donc falloir que je fasse les essais moi-même... Je devais tester ce nouveau médicament avant de l'utiliser sur Aria. Pour cela il me fallait un cobaye dont la vie serait moins précieuse que celle de ma jolie chasseuse...
Et voilà comment j'avais fini dans cette foutue boutique.

C'est non sans un certain dégoût que j'y étais entré. Les regards de toutes ces... Marchandises s'étaient posés sur moi, me fixant comme si j'allais leur apporter le salut. Naïfs. Celui ou celle qui sortira d'ici avec moi sera loin d'être chanceux. Je parcourais les cages des yeux. N'importe lequel ferait l'affaire,
il fallait juste qu'il soit docile et que l'idée de s'enfuir ne lui prenne pas...
Je traversais le magasin. Que ne ferais-je pas pour cette fille? J'allais même m'encombrer d'un hybride pour l'aider...

« Bonjour Monsieur. Je me nomme Masha, j’ai 18 ans et je serais de vous obéir et de vous servir Monsieur. » Fit une voix s'échappait d'une cage.

Je détaillais mon interlocutrice: une hybride chien doté de longs cheveux noirs.
Sa naïveté avait tendance à m'irriter, mais je me disais qu'elle ferait l'affaire pour le travail que j'avais à lui confier. Sans lui répondre, j'interpellais un vendeur qui passait par-là.

« Je vais prendre cette hybride, s'il vous plait. »

Entré dans l'idée de choisir un hybride au hasard et de ressortir, j'avais tout de même un certain nombre de critères: il me fallait un hybride calme, docile, qui n'allait pas se retourner contre moi. J'avais aussi besoin que cet hybride soit en bonne santé, il ne fallait pas que des critères externes viennent perturber mes expériences. Si possible, j'espérais aussi que celui qui sera mon cobaye ne rechigne pas à faire un peu d'exercice, histoire de pouvoir tester sa résistance à l'effort durant et après le traitement. Tous ces critères, pourtant, ne m'avaient pas empêché de choisir la première hybride bien naïve qui se présenta à moi.
De toute façon, ça m'était égal puisqu'elle avait bien des chances de me claquer entre les doigts dés le premier essai!

J'avais interpellé un vendeur qui, ravi que je ne pose pas de question et aie déjà fait mon choix, accourut pour ouvrir la cage. Il passa un collier étrangleur à l'hybride pour qu'elle se tienne tranquille et me guida jusqu'à la caisse pour remplir les papiers d'adoption. Je le suivais sans grand enthousiasme. Arrivé devant le comptoir, l'homme chercha dans un tiroir, puis un autre, il finit par sortir un dossier dans lequel il fouilla pour en sortir deux feuilles agrafées. Il m'indiqua où noter mes coordonnées, où signer, comme si j'étais trop con pour lire son formulaire tout seul comme un grand. Je me retins de grommeler en inscrivant mon nom, adresse, numéro de téléphone sur la feuille. Le vendeur en profita pour essayer de me vendre un médaillon gravé, des fois que je perde mon hybride. Je soupirais.

« Bon, si vous pensez que c'est vraiment utile... »

Cela ne l'était pas pour moi. Elle n'aurait pas souvent l'occasion de sortir et, si elle se barrait, j'en aurais rien à faire: j'étais loin d'être à ça près. Mais tant pis! Cela me permettait de passer pour un client normal. Il perdit donc plusieurs précieuses minutes supplémentaires à préparer le collier. Je bouillonnais intérieurement, me retenant de devenir complètement fou au milieu de ces créatures que je détestais. Je finissais de signer les papiers et le chèque en m'efforçant de garder mon calme. Le vendeur me proposa aussi une laisse, et tout un tas d'autres accessoires fantasques. Je refusais en attestant que l'hybride devait bien savoir marcher toute seule.

Enfin, le vendeur retira le collier étrangleur de la jeune femme et lui passa le collier en cuir sur lequel se trouvait le médaillon où étaient indiqués mon nom et mon numéro de téléphone. La libération était proche. La mienne, j'entendais.

Le vendeur me laissa enfin seul avec ma nouvelle acquisition, repartant à ses activités. Je soupirais.

« Enfin, c'est terminé... »

Ça y est, c'est fini. Le vendeur me foutait enfin la paix. J'allais pouvoir sortir de cette boutique de malheur. Je pressais le pas vers la sortie, oubliant presque l'hybride qui était supposée me suivre. Qu'elle le fasse ou pas, de toute façon... Arrivé dehors, je pris une grande inspiration tout en me félicitant intérieurement. J'avais réussi à contenir toute ma haine pour ces... Choses. Personne n'avait rien remarqué. J'espérais. Maintenant que j'étais dehors, je n'avais plus besoin de courir, je n'étais plus aussi pressé. Je me mis donc à marcher d'un pas plus lent en direction du grand parking à la sortie du centre-ville, où j'avais laissé ma voiture.

Un instant. Ne devrais-je donner quelques informations élémentaires à ma nouvelle hybride? Comme mon nom pour commencer, histoire qu'elle ne se fasse pas embarquer à la première occasion car elle ne connaît pas le nom de son maître. Et puis la raison de son acquisition, et surtout les règles qui seraient en vigueur dés son arrivée dans ma maison. Il valait mieux que les choses soient claires tout de suite.

« Bon. Puisqu'on est dehors je suppose qu'il est grand temps que je t'explique pourquoi je t'ai achetée. » Commençais-je sans même lui adresser un regard ni m'arrêter de marcher. « Mon nom, c'est Rei Hiwatari. Il faut que tu le saches au cas où on te le demanderais un jour. Autant que tu le saches tout de suite, je ne suis pas un amoureux des hybrides, mais j'ai un besoin ponctuel qui m'a mit dans l'obligation d'en prendre un quand même. Ça aurait pu être n'importe qui d'autre et c'est tombé pour toi, pas de chance. Actuellement, je mène des expériences secrètes qui pourraient révolutionner la médecine, sauver des tas de vies, je te fais pas un dessin. Seulement, il faut les tester. A priori, c'est pas dangereux... Personne n'en est mort en tout cas. Je pourrais t'expliquer ça plus en détail mais pas sur que tu comprennes grand chose. Si tu es un peu plus dégourdie que la moyenne, tu as déjà compris le deal. Je teste les traitements sur toi, tu prends deux trois pilules de temps en temps et en échange tu es libre de faire ce que tu veux. Tu auras une chambre à toi, tu pourras vivre dans ma maison... De toute façon j'y suis presque jamais alors tu me dérangeras pas... Tu auras de l'argent pour acheter ce dont tu as besoin et tu pourras faire ce que tu veux de ton temps libre. Les seules contraintes de cette proposition sont de garder le silence et puis de ne pas essayer de faire copain-copain avec moi. Ça ne m’intéresse pas. »

Pendant que je parlais, nous étions arrivés au parking. Je m'arrêtais devant une décapotable rouge.

« Maintenant c'est toi qui voit: tu peux me suivre, ou tu peux t'enfuir, au risque de te faire attraper demain par un braconnier qui fera de toi une de ses esclaves sexuelles ou qui te tueras parce qu'il est pas d'humeur. Moi, j'ai rien à perdre. Si tu pars, je déclarerais ta disparition et j'irais acheter un autre hybride avec l'argent du dédommagement. »

En attendant sa réponse, je m'étais adossé à la voiture, la clé dans la main. Qu'elle dise oui ou non, c'était pareil pour moi. J'aurai juste perdu un peu de mon temps... Evidemment, je lui avais un peu menti au sujet de la dangerosité du produit mais je savais plutôt bien quels miracles un effet placebo pouvait avoir. Si elle pensait que c'était dangereux, ce simple fait pouvait amener des complications et ça, ce n'était pas bon pour moi. Ce serait forcément un peu dur à encaisser d'un coup, donc j'allais devoir attendre un peu avant de savoir si elle allait monter dans cette voiture ou si j'allais devoir envoyer son signalement à tous mes contacts braconniers pour qu'ils se chargent de lui faire passer l'envie de répéter ce que je lui avais dit et surtout de s'opposer à ma volonté.

Moi qui pensait qu'il fallait un minimum de temps pour digérer l'idée de devenir une souris de laboratoire pour servir les expériences d'un parfait inconnu qui prétendait que celles-ci permettraient de sauver des vies si elles arrivent à terme... J'avais été surpris de la rapidité avec laquelle l'hybride avait accepté l'idée, s'y était faite et avait décidé de l'accepter. Toute cette naïveté qui se dégageait d'elle avait déjà tendance à me débecter... Bon. Une chose était sure: je n'allais pas lui taper dessus, je n'étais pas ce genre de personne... Mais je ne garantissais pas de la tranquillité de son séjour chez moi. Surtout si elle continuait d'agir de façon aussi stupide! J'en étais presque à regretter de ne pas avoir acheté un hybride plus rebelle, puis je me rappelais que si je l'avais fait cela m'aurait en réalité au moins autant tapé sur les nerfs. Je détestais tous les hybrides, peu importait leur profil je finissais toujours par trouver une raison de les haïr.
Elle semblait attendre que je lui donne l'ordre de monter, que je lui dise où elle devait s'asseoir... Je me sentis presque con de ne pas avoir pensé qu'il fallait tout expliquer à un hybride aussi ridiculement docile.

« Monte à l'avant si tu ne veux pas te prendre un courant d'air en plein visage. » Fis-je en prenant place au volant. « Pour l'heure nous rentrons à la maison, si tu veux t'acheter des choses tu auras tout le temps d'y aller plus tard ou de commander sur internet, je te laisserais de l'argent. Je déteste faire les magasins. »

La simple vue d'une porte automatique de supermarché me filait le cafard depuis cet incident qui avait ruiné ma vie. Ça se comprenait, quelque part.

Dés que l'hybride eu à son tour prit place dans la voiture, je démarrais, quittais le parking, puis le centre ville en direction du petit village où se trouvait mon humble demeure. Humble demeure qui allait bientôt se transformer bien malgré moi. J'essayais de me concentrer sur la route plutôt que sur cette idée alors que l'autoradio diffusait le riff d'un vieux rock bien rétro que j'affectionnais tout particulièrement.

Je me concentrais sur la route pour essayer de faire abstraction de la présence nuisible au sein de ma magnifique voiture. Boh, de toute façon je n'y pouvais rien. Et puis je me hâterais de m'en débarrasser lorsque je n'en aurai plus besoin, ce n'était pas comme si je comptais la garder et lui accorder une quelconque autre place dans ma vie que celle de cobaye. J'en changerais au premier pépin, un peu comme on ferait avec un micro-ondes ou une machine à laver.

Rapidement, nous étions sortis de la ville. Autours de nous le paysage n'était plus que champs à perte de vue. La majeure partie des productions à Nekai étaient bio, ce qui nous garantissait une meilleure qualité des produits mais donnait un rendement un peu plus aléatoire qui dépendait de la générosité de Mère Nature. Nous étions pourtant satisfaits. Nous vivions bien à Nekaï, mieux que sur Terre il paraissait. Pour cause, les humains avaient apparemment appris de leurs erreurs et on expérimentait tout un tas de modes de vie alternatifs dans ce prétendu havre de paix qu'était Nekaï. C'est en investissant là-dedans que j'avais fait fortune, je ne risquais pas de m'en plaindre!

Enfin, nous touchions l'entrée du village où j'avais élu domicile. La maison n'était plus très loin! Entré dans le village je tournais une fois à gauche puis deux fois à droite et m'arrêtais devant une grande bâtisse de style traditionnel japonais dont l'avant évoquait une boutique d'époque. Je descendais de voiture et commençait à examiner mon trousseau de clés en quête de la bonne.

« Nous sommes arrivés. » Fis-je sans détacher le regard du trousseau.

Voilà la clé! Je l'insérais dans la serrure et la tournais délicatement, ces vieux mécanismes sont fragiles mais je n'avais aucune envie de changer la serrure d'origine pas une moderne qui serait moins jolie.

« J'te fais visiter et je repars. J'ai d'autres choses à faire. » Ajoutais-je froidement.

Je n'avais rien d'autre au programme, mais je n'avais pas envie de rester en sa compagnie.