La nouvelle antre du monstre (Abel)

Alors que nous quittions la boutique, à laquelle j'étais plutôt heureux de dire au revoir -il fallait l'avouer, même si quelque part je me doutais que ce ne serait pas des adieux non plus...-, ma nouvelle maîtresse -si on pouvait employer ce terme- m'avait demandé ce que je souhaitais faire en premier: shopping ou découverte de ma nouvelle maison? La visite ne m'enchantait pas particulièrement, mais c'était le besoin pressant de prendre une douche qui avait influencé mon choix. Chose surprenante, la renarde me demandait de la prévenir lorsque j'aurais besoin d'acheter des vêtements, non pas pour m'accompagner mais juste pour me donner l'argent dont j'aurai besoin pour se faire. Elle n'avait pas l'intention de me suivre partout, c'était plutôt cool de sa part! ... Mais non, enfin, je ne pouvais pas me permettre de penser ça. Trouver ma maîtresse cool, et puis quoi encore?!
Nous quittions la boutique avant que je me retrouve en proie à un conflit intérieur et j'oubliais ce à quoi je pensais juste avant lorsque je pus enfin sentir le vent frais chargé d'une douce odeur de gas-oil fouetter mon visage. La liberté, c'est cette odeur qu'elle avait à mon sens! Je remplissais mes poumons de cet air, fini l'oppression! ... Enfin, pour un petit moment. Déjà, la noble se mit en marche vers notre destination: sa maison. Je fus assez étonné de ne pas la voir se déplacer en grosse voiture avec chauffeur comme un grand dame, déjà qu'elle avait l'air banale pour une noble... Est-ce que toute la famille était comme ça? J'étais un peu curieux, je devais avouer. Elle marchait plutôt vite, connaissait son chemin par coeur. Je la suivais sans mal, remarquant qu'elle ne me surveillait pas vraiment. J'aurai pu m'enfuir, si je l'avais voulu, mais la perspective d'une douche bien chaude m'en empêchait. Et puis j'avais bien envie de lui mener la vie dure avant de partir!
Elle habitait plutôt loin, à l'extérieur de la ville, un coin tranquille, voilà une agréable surprise! Nous nous arrêtions devant une imposante bâtisse, dont l'hybride s'empressa d'ouvrir la porte. Elle me présenta l'endroit comme "son château de princesse" et me demandait d'entrer afin de pouvoir me faire visiter.
- Bah tiens, je m'attendais à plus grandiose. Lançais-je en passant la porte, juste pour voir si ça allait l'énerver.

Je ne montrais aucun enthousiasme et ne comptait en montrer à rien dans cette maison. J'avais décidé que j'allais être ennuyeux, que je ne ferais rien. Strictement rien. Ouais, ce serait surtout chiant pour moi-même en fait. Disons que j'allais passer mes journées à lézarder dans le jardin quand il fera beau et sur un canapé quand le temps sera mauvais. En évidence, bien-sûr: il était hors de question que je reste dans ma chambre! Je serais aux yeux de tous, dans le salon, étalé sur le canapé comme une misérable loque et personne ne pourra me déloger. Le but du jeu? Que cette petite peste qui me prend pour un clown finisse par s'ennuyer de moi. Juste parce qu'elle attendait l'inverse! Mon esprit de contradiction était décidément beaucoup trop grand pour moi. Evidemment, je pourrais m'amuser quand je serais dehors et que je ne l'aurais pas sur les bras!
Pour l'heure, nous faisions une visite plutôt sommaire de la maison. Le salon, par là et la cuisine de ce coté, j'enregistrais mais je me ferais quand même un plaisir de lui demander toutes les cinq minutes où se trouve telle ou telle chose pour l'embêter! Nous montions à l'étage. J'entrevis un visage à l'embrasure d'une porte: une petite curieuse dotée des mêmes oreilles de renard que ma maîtresse. Sans doute un membre de la famille. Toujours était-il qu'à peine l'avais-je vue qu'elle disparaissais d'où elle venait. Nous continuions notre route en direction de la salle de bain. La renarde m'expliqua que jusqu'à ce que j'achète des vêtements elle n'avait malheureusement pas grand chose à me proposer et je devrais faire avec ce que j'ai sur moi. Je ne devais faire que quelques centimètres de plus qu'elle, mais j'avouais ne pas avoir très envie de porter des vêtements de fille... Si peu féminine soit-elle! D'ailleurs, voilà qu'elle me précisait qu'elle ne risquait pas de me faire porter des robes puisqu'elle n'en avait pas. Bref, j'irais faire les magasins demain, pour l'instant j'avais besoin de me laver et de détendre mes muscles... Cette douche allait vraiment me faire du bien!
Après avoir dit ça, elle était sortie de la salle de bain en refermant la porte. Je faisais mine de vérifier que la porte était bien fermée.
- Je te préviens tout de suite, si tu as l'intention de m'espionner sous la douche pour en apprendre plus sur mon hybridation, ça ne servira à rien! Lançais-je à travers la porte.
La plaisanterie faite, je retirais mes gants, mon t-shirt noir, mon jeans, mes chaussettes et mon caleçon avant de rentrer dans la douche. Depuis combien de temps ne m'étais-je pas lavé avec de l'eau chaude? Mes cheveux avaient bien besoin d'un vrai shampoing! Je pris mon temps pour me laver, profitant de cette sensation si douce que procurait le fait d'avoir le droit de traîner dans la salle de bain! Avec tout cela, impossible que je sentes la viande pourrie! Une fois sorti de la douche, séché et rhabillé, j'ouvrais la porte pour sortir de la salle de bain. Où était cette petite peste maintenant? Allais-je devoir la chercher pour avoir le droit de finir la visite et savoir où était ma chambre? Très franchement, à l'heure actuelle je n'avais qu'une envie: dormir dans un vrai lit. Et peu être manger un vrai repas, ce serait chouette aussi!

Je sortais de la salle de bain, tout frais tout propre! ... Bien que dans des vêtements sales. Je ne cherchais pas vraiment ma "maîtresse", je savais qu'elle finirait bien par sortir de quelque part. Je regardais à droite et à gauche l'air de rien, nonchalant. Elle n'était pas loin, elle me trouverait de toute façon.
Je ne me trompais pas puisque la renarde apparut quelques minutes plus tard, sortant d'une pièce non loin. Sans doute sa chambre. Ça m'était égal. Elle me demandait si la douche m'avait fait du bien mais sans attendre la réponse elle passait déjà à autre chose: ma chambre, qu'elle allait me montrer. Je la suivais jusqu'à la pièce en question. C'était une chambre tout ce qu'il y avait de plus fonctionnelle: un lit pour les grasses matinées, une armoire pour ranger la quantité innombrable de fringues que j'allais acheter juste pour faire flamber la carte bleue de la petite princesse qui me servait de maîtresse, une table de chevet, ... La déco était classique mais cela me convenait très bien, de toute façon une chambre c'était surtout pour dormir! Le jour, je préférais être dehors, à prendre ma dose de soleil et d'air frais... Je passerais mes journées à bronzer sur un transat ou à me promener en ville. Je pouvais acheter des meubles ou de la déco si je voulais, disait la renarde? Bof, si ça ne l'embêtais pas ça ne servirait à rien. Ensuite, elle me demanda si j'avais des questions.
Il s'écoula environ un quart de seconde avant que je répondes, l'air d'en avoir pas grand chose à faire:
- Ouais. On mange à quelle heure et c'est quoi ton code Netflix?
Finissant de parler, j'entrais dans la pièce pour y regarder de plus prêt. J'en faisais le tour avant d'aller m'asseoir sur le lit. C'était assez grand pour l'usage que je comptais en faire... A bien y réfléchir, j'étais relativement bien tombé. J'allais peu être rester un peu ici.

Ma "maîtresse" répondait à ma première question parce quelque chose d'à la fois satisfaisant et embêtant: satisfaisant parce que je préférais qu'on me dise de me débrouiller et pouvoir manger à l'heure que j'avais envie que d'avoir à faire le majordome bien sage pendant les repas en famille pour ensuite me nourrir des restes dans la cuisine... J'avais déjà bien assez donné... Mais embêtant parce que cette réponse m'empêchait de poursuivre dans ma plaisanterie en prétendant peu importe l'heure qu'elle me donnerait que cela ne me convenait pas parce que j'avais piscine. Je déclinais toutefois son invitation à me faire la cuisine avec la touche d'humour qui m'était propre:
- Oh, je préfère me débrouiller! Il ne faudrait pas que la princesse se salisse les mains... Et puis j'ai l'estomac sensible, je ne peux pas manger n'importe quoi. Ça, c'est fait.
Ne restait plus que ma deuxième question. Qu'allait-elle répondre? Je n'eus pas à attendre spécialement longtemps! Comme j'aurai pu m'y attendre si j'avais essayé de prédire ses réactions, elle profitait de cette question de vie ou de mort pour essayer de connaître la race d'hybrides à laquelle j'appartenais. Eh bien, eh bien, allais-je mettre fin à cette plaisanterie maintenant ou continuer de la faire mariner? Je pouvais tout à fait m'occuper autrement qu'en regardant des films et des séries toute la journée, ce n'était pas si indispensable! Par contre, la faire attendre était beaucoup plus drôle.
- Mon espèce n'a jamais été un secret, c'est juste beaucoup plus marrant de te laisser chercher! Tu pourrais jouer le jeu un petit peu, au lieu de tricher!
Si elle avait vraiment voulu une réponse elle aurait pu demander au vendeur tout bêtement mais comme cela m'amusait de ne pas lui répondre me harceler avec ça devait l'amuser aussi.

L'air de rien, j'enregistrais toutes les informations qui pourraient m'être utile... Que ce soit pour le quotidien ou pour faire des blagues pourries au possible. Thérésa, l'air passablement agacée, me révélait que quoi que je fasse elle finirait par connaître mon espèce mais que si je ne coopérais pas je mettais mon petit confort en péril puisqu'elle était en mesure de me refuser tout ce que je pourrais éventuellement lui demander... Hum... Elle avait raison. Et puis un paradoxe se dessinait dans mon esprit: je voulais lui être le plus désagréable possible et ne pas répondre à ses questions en faisait partie... Mais en faisant cela je lui donnais l'occasion de s'amuser avec moi, cela avait donc l'effet tout à fait inverse de celui désiré! Par conséquent, la meilleure solution pour l'embêter serait donc de couper court à ce jeu débile en lui révélant mon espèce mais cela reviendrait aussi à lui donner le pouvoir puisque je répondais à sa question... Je sentais que cela n'allait pas être fun tous les jours, ici!
Tout en me montrant le contenu des placards, la renarde en sortait un paquet de gâteaux qu'elle commençait à grignoter tout en m'expliquant que je ne devais pas hésiter à me servir si je voulais quelque chose.
- Tu devrais faire attention à ce que TU manges, en tout cas. Tu vas devenir énorme. Répondais-je en tournant les talons.
Je n'avais pas envie de manger, je vous assure: la bouille de l'animalerie ça vous coupe l'appétit! J'y étais resté si longtemps que mon organisme avait du s'habituer à ce rythme alimentaire déplorable et il me faudrait sans doute quelques jours avant de manger normalement.
- Et puis j'ai pas très envie de te laisser t'amuser de la situation. Le nom de mon espèce c'est Rafflesia Arnoldii. Si tu veux savoir ce que c'est t'as qu'à demander à Google. De toute façon je garde encore bien assez de secrets comme ça.