▬ Histoire ::
Moi ? Heum. Excusez-moi, mais... Pourquoi est-ce-que vous vous intéressez à moi, je n'ai rien d'exceptionnel ! Hein ? D...d'accord, je commence. Donc, je suis Meiko, j'ai 17 ans, et j'ai été esclave toute ma vie. Je suis né chez mon maître, peu de temps après l'adoption de ma mère par cet homme qui expérimentait toute sorte de choses...
Ma mère, trop fragile je suppose, ne survécut pas à l'accouchement, et elle me laissa seul. Je suis un hybride raton-laveur. J'ai grandit, et j'ai été éduqué par cet homme que je pense pouvoir appeler savant. Enfin. Presque savant, parce que je ne peux pas dire que ses expériences étaient de grands succès... Il semblerait qu'il ait acheté ma mère pour l'utiliser comme cobaye. Pas de bol, elle est morte avant qu'il puisse arriver à ses fins. Mais miracle, j'étais là pour la remplacer, en pleine forme. Je ne sais pas pourquoi – et je ne saurais jamais –, il m'a appris à lire, à écrire, à compter.
Bref, ce n'est que vers mes cinq ans qu'il commença a me faire manger toutes sortes de choses, où me faire des piqûres étranges. Ce n'était rien de bien dangereux, à ce qu'il me disait, il ne voulait que son investissement parte en morceaux, alors que je n'avais que quelques années et qu'il m'avait appris beaucoup de choses. La première de ses « inventions » qui « marcha » sur moi fût la décoloration de mes cheveux... Même si ce n'était pas du tout le résultat souhaité, il avait sauté de joie en voyant que sa création avait un effet... Et j'étais heureux avec lui. Je me fichais que mes cheveux soient devenus blancs à cause de ça, tout ce qui m'importait, c'était que mon maître soit heureux. Lorsqu'il faisait ses recherches, je m'occupais de sa grande maison, je faisais toutes les tâches ménagères...
Un jour, il m'a fait rentrer dans son atelier, et lorsque j'en suis ressorti, je n'entendais plus. Je ne me souviens pas de ce qu'il s'est passé, c'est tellement loin. Mais c'est le jour que je suis devenu sourd. Il avait besoin d'un sujet sourd pour voir si sa capsule violette pouvait rendre l'ouïe à un mal-entendant. Loupé. Il m'a rendu sourd, sans aucune possibilité de changement. Mais mon maître était juste, et, toute sa vie, il chercha un moyen d'inverser ce qu'il m'avait infligé, culpabilisant, se sentant coupable. Ce qu'il n'a jamais su, c'est que je ne lui en voulais pas.
Je dû donc faire avec ma surdité, la communication entre nous était difficile, mais cela amusait Maître, donc ça ne me gênait pas. Je finis par m'y habituer, lisant sur les lèvres et répondant oralement. Ce que je disais devait avoir du sens, puisqu'à aucune fois il ne me reprit.
Le jour de mon septième anniversaire, je reçu comme cadeau un nouveau maître. L'autre était mort. Il s'était injecté une substance dans le sang pour connaître son effet, mais il ne m'avait pas fait cette piqûre directement car il n'était pas totalement sûr de l'effet qu'elle pouvait avoir. Il... Il préférait finalement mettre sa vie en danger plutôt que la mienne... Je suppose que c'est ce qu'on peut appeler un père, non ?
Je faisais partie de la maison, et c'est le frère de Maître qui la récupéra. Et je n'étais pas plus que l'un de ces meubles qui changea de maison et de propriétaire. Quel magnifique cadeau...
Ma nouvelle maîtresse m’accueillit à bras ouvert, faisait tout son possible pour que je la comprenne facilement, alors que son mari, Maître, ne m'accordait pas d'importance. Il voulait simplement que je fasse mon travail sans discuter. Il parlait très vite et je n'arrivais pas tout lire, donc il s'énervait souvent, alors que je voulais simplement être sûr de ce qu'il me demandait. Ils avaient une petite fille, Aska, qui a trois ans de moins que moi. Elle « m'adopta » dès mon entrée chez elle, bien qu'elle soit encore très jeune
« Comment tu-t'appelles ? » fut la première question qu'elle me posa. Je fronçais les sourcils, pas sûr de ce que j'avais compris. Je...Je n'avais pas de nom, tout le monde sait bien que les esclaves n'ont pas de nom...Si ? Est ce que mes maîtres ne lui avaient pas dit que j'étais un hybride ? En tout cas je ne savais pas quoi répondre. « Il n'a pas de nom, Aska... » fut la réponse que Maîtresse donna à sa fille. Aska me serra alors dans mes bras en disant quelque chose que je ne compris pas. Cela avait l'air d'émouvoir sa mère, et de dépiter son père, qui aboya à sa fille de lâcher l'être infâme l'esclave que j'étais. Nous posions ensuite mes conditions de travail. Je devait travailler toute la journée, chaque jour de la semaine, avec quelques heures de repos par jour. Ils posèrent leurs conditions, et me demandèrent les miennes. Je répondis simplement « J'aimerais ne pas avoir besoin de m'occuper de la cheminée, si cela ne vous dérange pas » Maîtresse m'adressa un sourire et je lis qu'il n'y avait aucun problème, que son mari s'en occuperait, comme toujours.
Le temps qu'Aska ne passait pas à l'école ou à étudier, elle le passait avec moi, à toujours vouloir m'aider. Elle me tirait le pantalon quand je n'« écoutais » pas ce qu'elle disait, me forçant à la regarder.
Ma vie quotidienne n'avait rien d'exceptionnel. Elle consistait à aller faire les courses, faire à manger, s'occuper d'Aska, nettoyer la maison, s'occuper d'Aska, faire à manger, faire la vaisselle... Je passais le temps qu'ils me lassaient à jouer avec Aska, qui me considéra au fil de ans comme son frère. Ou sur le canapé, sous forme de raton-laveur, à côté de ma maîtresse qui me caressait. Si d'un côté Maîtresse était très gentille avec moi, qu'elle me chouchoutait comme un chaton sans tout de même oublier que j'étais là pour travailler, de l'autre côté, son mari savait très bien que j'étais là pour travailler, mais ne râlait pas lorsque je m'allongeais contre sa cuisse sur le canapé.
Le jour de mon neuvième anniversaire, Aska m'offrit mon tout premier cadeau. Elle me dit « Joyeux anniversaire Meiko !! » Je n'avais pas compris tout de suite, puis elle le répéta « Joyeux anniversaire Meiko !!! »
Une larme coula sur ma joue. Elle n'avait prononcé qu'une phrase. Elle m'avait donné un nom...
Elle m'avait...
offert un …
nom... Elle m'avait...Nommé.
Je...j'étais donc quelqu'un ?
Je pouvais avoir un nom ? Je pensais que...Que les esclaves ne …. ne pouvaient pas... Certes c'est le nom d'un raton-laveur goinfre dans un dessin animé, mais cela représentait énormément pour moi.
Deux années plus tard, ma maîtresse tomba gravement malade, et mourut un an après, alors que j'avais onze ans.
Mon maître, détruit, comme chacun d'entre nous, ne supporta plus ce vide au bout d'un an, et se servit de moi comme défouloir. Ce ne fut d'abord que de petites violences, des coups de pieds, sans aucunes raisons, quelques coups de cannes, rien de plus que des bleus et des égratignures.
Mais, après trois ans, il eut une période plus...violente...
Je crois que j'ai choisit de ne pas me souvenir entièrement de ce passage de ma vie.
Je le vois encore assis dans le canapé, lisant son journal, et m'envoyer un ordre froid, sans aucune gentillesse. Il me demande de retourner la bûche dans la cheminée pour que les flammes jaillissent. Jamais il ne m'avait demandé pareille chose, et jamais personne ne m'avait appris à me servir du matériel adapté, et jamais je n'ai voulu m'approcher de la porte du feu. Je n'ose pas lui dire non, je ne sais pas quoi faire, d'autant plus qu'après la mort de Maîtresse, il est me fait peur.
Je ne sais pas ce que je dois faire. Je veux l'aider, s'il me demande de la faire, c'est qu'il en a besoin, mais je ne veux pas le faire. Je ne sais pas pourquoi, mais le feu et la chaleur m'ont toujours fait peur, et m'ont toujours mis très mal à l'aise.
Je suis donc resté là, sans rien faire, avec les mains qui tremblent, le cœur qui bat à cent à l'heure, la peur du feu et de ce que maître pourrait me faire si je ne le faisait pas.
Il leva le nez de son journal pour me regarder par-dessus ses lunettes, et me redonner le même ordre. Je n'avait d'ailleurs plus de temps pour m'allonger sur le canapé avec Aska.
Voyant que je ne bougeais pas, il se leva, jeta son journal sur le canapé et s'approcha de moi en criant, je suppose « Tu ne veux pas obéir ? Je vais t'apprendre ce qui arrive aux esclaves qui n'obéissent pas à leurs maîtres, tu vas voir ! » Aska était déjà partie se coucher, et avait sûrement entendu son père crier, et utiliser un mot que jamais il n'avait utilisé en parlant de moi : Esclave.
Je le vois pointer une épaisse barre en fer forgé dans les braises de la cheminée en me hurlant d'enlever ma chemise, je me souviens encore des vibrations de son ordre... Je ne comprends pas pourquoi, mais je le fais. Mon pantalon trop grand me descendant en dessous des hanches, j'ai tout le haut du corps à nu, et je sens les nouvelles flammes du foyer réchauffer ma peau pâle. Je recule alors, puis aperçois la petite Aska qui regarde ce qu'il se passe. Je ne comprends toujours pas pourquoi il m'a demandé d'enlever ma chemise.Nous restons comme cela plusieurs longs instants qui me paraissent interminables. Lorsque je tourne de nouveau la tête vers lui, il s'avance vers moi, un regard mauvais sur le visage. Je pensais qu'une fois le bois retourné, il retournerait lire sur le canapé, mais non, il s'approche de moi... avec la barre de fer encore blanche et jaune de la chaleur du feu. Et... A partir de là, je ne me souviens que d'une atroce chaleur, puis une douleur insoutenable, je devine les cris d'Aska qui implorent son père d'arrêter. Ma vision se floute, je vois Aska qui me regarde avec un regard qui me fait peur, je ne sais pas ce qu'il se passe, j'ai mal, atrocement mal, et puis plus rien.
Quand je reprends mes esprits, je suis dans le lit d'Aska, et elle est assise à côté de moi, sur une chaise, la tête appuyée près de la mienne. Je crois me souvenir d'une douleur, toujours la même, mais je ne sais plus ce qu'il s'est passé, c'est Aska qui me racontera ce qu'elle a vu.
Je tousse, elle se redresse et me regarde, un sourire désolé sur le visage. Je ne comprends pas, et je fronce les sourcils. Je sens mon corps me brûler, malgré tous les efforts de la petite. Elle avait disposé des sacs de glace sur mon torse et sur ma joue. Je me lève, et m'approche de son miroir. Je suis toujours torse nu, mais il a changé. Mon corps n'est plus le même. Il a une grande marque rouge qui commence sur ma joue droite, tourne, disparaît dans ma nuque une fois, puis dans mon dos deux fois, et prend fin sur ma hanche gauche.
Je me suis retourné pour regarder Aska, sans comprendre « Tu pleures... » A-t-elle articulé. J'ai porté mes mains vers mes yeux, et j'ai senti mes pieds se dérober sous mon corps. J'ai fermé les yeux, et les longs cheveux d'Aska m'ont caressé le visage, en même temps que ses bras me serraient contre elle. Je ne l'ai pas lâchée avant que toutes les larmes de mon corps soient imbibée par le joli T-Shirt de la petite.
Aujourd'hui, je ne sais toujours pas pourquoi j'ai pleuré, ce jour là.Etait-ce la douleur ? Parce que je me rendais compte que les humains n'étais pas tous bons ? Parce que je ne comprenais pas ? M'apitoyais-je sur mon sort ? Parce qu'Aska pleurait aussi ? Parce que mon corps était meurtri ? Je ne sais pas...
L'année qui suivit, Aska se rebella contre son père. Elle ne voulait pas qu'il s'approche de moi et me suivait partout, pour être sûre qu'il ne m'arrive rien. J'étais persuadé qu'il y avait une part de bien chez Maître – et je le suis toujours –. Au bout d'un moment, il eut assez des caprices de sa fille et décida de déménager. Seuls. Le maître me considérait maintenant comme inapte à travailler pour lui. D'abord parce que cette fois là, je ne lui avais pas obéis il n'est pas du tout rancunier, et ensuite parce qu'il estimait qu'Aska s'était trop rapprochée de moi, que ce n'était pas bien pour elle. Et surtout pour lui...
Son cri était affreux. Je ne l'ai pas entendu, bien sûr, mais je l'ai senti. Il a touché le plus profond de moi. Jamais je n'avais ressenti cela...
Elle ne voulait pas m'abandonner, elle criait en pleurant que je faisais partie de SA famille, même si nous n'avions pas les même parents, qu'elle ne m'abandonnerait pas, qu'après tout, c'était elle qui m'avait donné un nom et qu'elle ne pouvait pas me laisser là. Et plus elle pleurait, plus j'avais envie de pleurer, et plus elle criait plus je pleurais, en la regardant s'éloigner. Elle n'avait même pas pu me prendre dans ses bras une dernière fois. Et je ne pouvais rien faire. Rien à part la regarder s'en aller, tirée par son père de force. A un moment, alors qu'elle allait disparaître au contour d'une rue, je la vit courir dans ma direction. Alors je fis de même. Je repoussais la main qui était posée sur mon épaule et m'élançais dans la direction de la petite puce. Je la pris dans mes bras un instant, et sentis son corps se soulever à chaque battement de son petit cœur, puis les miens s'y joignirent. Nous sommes restés là un long moment, elle n'arrêtais pas de me dire qu'elle resterait avec moi, je ressentais ses vibrassions sans comprendre mais plus elle parlait, plus j'avais envie de l'entende. Je serais bientôt de nouveau vendu. Je me décidais à la poser par terre, mais elle restait accrochée à mon cou. Et cette étreinte nous faisait plus de mal que de bien. Plus nous restions longtemps ensemble maintenant, et plus il serait difficile de nous voir partir. « Souviens-toi. Tout ira bien » lui chuchotais-je à l'oreille en refoulant mes larmes. Je levais le yeux et vit mon ancien maître au dessus de nous. Il attrapa Aska par les cheveux et tira. Elle me lâcha alors, mais continua de pleurer, et je compris enfin ce qu'elle répétait sans cesse « Je resterais toujours avec toi, Meiko, tu es mon frère et jamais je ne t'abandonnerai ».
Le regard de son père voulait clairement dire le contraire. Il la lâcha enfin, et ils s'éloignèrent. Aska se retourna une dernière fois, et articula « Nous nous reverrons ailleurs. Quelque part loin d'ici » Je pense qu'elle articula seulement, sans sons, pour que seul moi puisse comprendre son message, car ses gestes de la bouche étaient exagérés.
Je les regardais en retenant mes larmes, mais une fois qu'elle eut disparu, je ne pus les contenir plus longtemps. L'homme en charge de l'animal que j'étais me laissa un moment avant de m'emmener dans l'animalerie pour que je trouve un nouveau maître, ou pour qu'un maître me prenne pour nouveau jouet. Je savais que jamais je ne serais aussi heureux que les seize premières années de ma vie. Aujourd'hui je sais que mon prochain maître peut devenir agressif à n'importe quel moment, alors que chaque jour il a été gentil et respectueux, à un certain moment, il peut être le plus violent des hommes, alors que vous ne l'avez pas forcément « mérité ».
A cet instant, la seule chose que je voudrais pour l'avenir, c'est d'un jour revoir Aska, pouvoir la prendre de mes bras et la remercier encore une fois d'avoir fait tout ce qu'elle a fait pour moi, d'entendre une fois de plus sa voix, de sentir sa caresse sur mon pelage, de la voir rire, de pouvoir oublier les larmes sur son visage, de pouvoir croire cette dernière phrase qu'elle m'accorda.