Ce qui ne peut être évité, il le faut embrasser___ W. Shakespeare

Des cris, des plaintes, de la fumée, le tabac, la drogue, la nourriture... Enfin la bouillie, le claquement d'un fouet, le bruit métallique de chaînes, les ris malsains. En résumé : le bruit, et l'odeur. Asuka s'était encore réveillée dans sa cage poisseuse et pour la troisième fois cette semaine, c'était l'odeur nauséabonde du marché qui avait agressé ses sens. Nous étions donc vendredi. Le temps n'était pas au beau fixe. De lourds nuages gris et sombres semblaient alourdir le ciel, la présence de l'humidité donnait la sensation de bloquer la respiration, et il y avait le vent. Il était glacial ! Il paraît pénétrer votre peau si profondément qu'il pourrait entailler vos os !

Un orage se préparait, Asuka n'aimait pas ça. En effet, la journée allait être longue, le mauvais temps n'attirerait pas énormément de clients. Qui dit peu de clients, dit marchand mécontent.Il était encore tôt, sûrement quelque chose comme sept heure/sept heure trente. Le revendeur était entrain d'installer ses affaires et la marchandise sur une petite estrade. Il était tout petit, chauve, adipeux, pas vraiment propre et ses vêtements, tâchés par la graisse de son alimentation, laissaient entrevoir un ventre bedonnant. Asuka ne sortirait pas de sa cage aujourd'hui. La veille au soir, elle s'en était pris à son geôlier. Elle l'avait provoqué, par pur plaisir, et avait continué jusqu'à le faire sortir de ses gonds. Lorsque ce dernier avait essayé de l'attraper pour la punir, la demoiselle avait profité de l'occasion pour le griffer au bras. Vexé, il lui avait fait tâter du fouet et décidé qu'elle ne sortirait pas de sa cage.

Son dos encore endolori, la jeune femme n'arrivait pas à trouver de position dans sa prison. Trop petite pour s'allonger correctement et trop basse pour trouver s'installer convenablement. Recroquevillée dans une position inconfortable, elle décida d'observer ses semblables monter l'estrade. Ils étaient fatigués, certains venaient d'être attrapé par des braconniers et revendu pour être mis sur le marché dans la nuit.

Mais il y avait toujours deux cas de figure : Les obstinés et les soumis. Certains étaient même d'anciens rebelles qui s'étaient fait bêtement prendre. C'était amusant à voir pour Asuka. Entre ceux qui cherchaient à attaquer et à tuer le revendeur et ceux qui, pleurant de peur, disaient amen à toutes ses demandes, la scène était à vomir. La panthère ne savait pas si elle devait avoir pitié d'eux ou bien les prendre en mépris.

De toute façon toute résistance était vaine, le petit homme était un coléreux, le fouet était son arme de punitive favorite. Alors dans la majorité des cas, les hybrides se taisaient. Sauf Asuka, elle, elle s'en moquait. Elle avait appris à rester stoïque face aux coups de fouet et autres châtiments. Alors elle prenait un malin plaisir à emmerder son monde. Malheureusement, aujourd'hui, ça ne serait pas possible, et ça la frustrait profondément. Un peu perdue dans ses pensées, la jeune femme en sortit lorsqu'elle remarqua la graisse flottante du ventre de geôlier devant sa cage. Elle l'observa un instant, alors que ce dernier affichait un sourire déformait dans des dents jaunâtres.

« C'est dommage pour toi ma jolie. Tu vas devoir regarder tes petits copains partir vers un enfer moins désagréable que celui-ci. Et toi, tu vas rester avec moi encore longtemps. De toute façon qui te voudrait ? Tu es insupportable ! Je vais refaire ton éducation, tu vas voir ! »
« Hum. Oui. Peut-être. J'en sais strictement rien. Par contre, je trouve fascinant la façon dont ton petit bidon danse sous chacun de tes pas. On dirait un bol de gelé avarié qui cherche à atteindre ton énorme cul pour se libérer de cauchemar d'être dans ton corps ! »

Le vendeur fronça les sourcils, donnant un coup de pied dans la cage. Mais il fût rapidement sorti de sa colère, les clients commençaient à se ramener et il devait répondre à leurs demandes. Asuka profita qu'il tourne le dos pour grimacer de douleur. Son dos la faisait souffrir et le coup de pied avait fait vibrer sa caisse métallique, sa douleur s'était donc accentuée. Quelques gouttes de pluie tombèrent au sol, la terre battue s’assombrit devenant marron foncé. Il manquait plus que ça, la pluie ! Déjà que l'orage n'était pas loin ! L'hybride soupira regardant ses semblables. Eux au moins ils étaient abrités sur la petite estrade... Et puis si l'orage se ramenait, sa cage était en fer, ça pouvait mal tourner pour elle. Finissant par se rouler en boule, seule position à peu près confortable dans ce petit logement, elle secoua ses oreilles en baillant.

« Au moins si la foudre tombe sur la cage, j'aurai le droit à peu de repos... »