Je venais tout juste de me faire capturer et je haïssais ma vie. L’hybride m’avait déjà emmenée à travers une panoplie de tunnels sombres qui avaient tous exactement la même allure. Si bien que je me demandais si on était perdus. Probablement pas. Par contre, il faisait si sombre que moi je m’y perdrais sans aucun doute. Et peut-être même que, lui, il me perdrait si je m’enfuyais maintenant… Remarque, peut-être que je ne pourrais plus jamais rejoindre la surface si j’étais laissée à moi-même dans ces tunnels. Peut-être même que j’y mourrais dans un coin…
Mais à quoi je pensais ?! Même avec ce foutu hybride, je n’avais aucune chance de retrouver la surface. En fait, je préférais même errer dans les tunnels jusqu’à ce que mort s’ensuive que de suivre ce bâtard. J’étais déjà assez fourrée comme ça, si je pouvais éviter d’être tabassée, je dirais pas non.
La seule raison qui m’avait poussée à le suivre docilement jusqu’à présent, c’était le fait qu’il pouvait aisément me rattraper et me knock out si je tentais de m’échapper dans un terrain vaste. Par contre, dans un endroit comme celui-ci, j’avais une chance de le semer.
En plus, ce n’était pas comme si c’était impossible de m’enfuir. Cet idiot avait décidé de kidnapper un humain alors qu’il n’avait même pas ne serait-ce qu’une corde. À la limite, même sa ceinture aurait pu faire l’affaire, mais ça je n’étais pas pour le lui dire. Du coup, il me tenait le bras de sa poigne solide, mais pas impossible à défaire.
Je regardai autour de moi, cherchant une route de sortie. Sur ma droite, se trouvait ce que j’assumais être un autre dédalle de tunnels tout aussi sombre et semblable à celui-ci… Et c’était le moment où jamais de découvrir si j’avais raison.
Je fis un grand mouvement circulaire avec mon bras captif, de sorte qu’il n’eut pas le choix de lâcher sous peine d’avoir le poignet tordu. Une fois libre, je fonçai vers la droite et m’enfonçai dans les tunnels, tournant à chaque coin possible pour le semer. Tout d’un coup, je m’arrêtai et m’accroupis dans une crevasse au détour d’un couloir. L’hybride passa à côté de moi sans me voir. Une chance que je n’étais pas tombée sur un foutu chien, sinon j’aurais été dans la vraie merde.
Au bout de cinq minutes d’attente, je me relevai et repris ma route. À ce point-ci, je ne faisais que me promener à l’aveuglette en espérant trouver une sortie débouchant à la surface. Après une bonne heure de marche, j’avais bel et bien trouvé une sortie, mais pas celle que je cherchais.
J’étais dans la ville souterraine et ce n’était pas un endroit où je devais me trouver. Je fis un 180° pour m’enfoncer encore une fois dans les tunnels, mais mon ventre et ma tête qui tourne me rappelèrent cruellement que j’avais besoin de nourriture. Hé merde. Qui sait combien de temps je resterais coincée là-dedans après y avoir remis les pieds, hein ?
Je soupirai et détachai mes cheveux pour couvrir mes oreilles. Entre ça et mon manque flagrant d’extravagance, j’allais pouvoir passer inaperçue dans la ville. Je partis en quête de nourriture, croisant quelques poubelles en chemin. Ouais, j’aurais pu me servir là-dedans, mais je n’étais quand même pas une saleté d’hybride. Je refusais de manger de la bouffe qui venait des poubelles. Enfin… Celle dont j’étais au courant qu’elle était venue des poubelles.
Je continuai mes recherches qui aboutirent sur un morceau de pain, posé sur une table sans surveillance. Je regardai autour. Du peu que je connaissais de la ville, je n’avais qu’à prendre une rue latérale et faire un « U » pour revenir aux tunnels. Je saisis ma chance et me ruai sur le pain. Je m’en emparai d’un mouvement fluide, comme si j’avais fait ça toute ma vie… Sauf que je n’avais jamais fait cela auparavant et que je ne vis pas l’hybride à la crinière brune ébouriffée devant moi. Je le bousculai violemment et tombai presque au sol sous l’impact. Je me serais échouée comme une baleine si ce n’était pas de mon bon équilibre.
Je croisai les yeux de l’hybride. Ses yeux étaient dorés et formés comme ceux d’un chat. C’était définitivement un hybride félin ou quelque chose du genre. Il y eut un bref moment de malaise que je brisai par un :
« S’cuse-moi, Moustache. »
Bah quoi ? C’était impoli de ne pas s’excuser. J’étais pas mal élevée quand même ! Enfin peut-être… Et peut-être aussi que j’avais assumé qu’il se reconnaîtrait si je l’appelais Moustache parce qu’il ressemblait à un chat. Quoi ? C’est raciste ? Vos gueules, on n’a pas le temps !
Je fis volte-face et pris la fuite. Ce n’était pas le temps de rester debout à contempler ma vie alors que je venais tout juste de voler le pain de quelqu’un.
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