Quand le hasard joue des tours (Mason)

Sortir de la ville souterraine était la première option sur la liste des choses que je faisais à reculons. Une liste qui était longue, je devais avouer. Bien qu'avec le temps qui avait passé, faisant oublier mon histoire et changer mon visage, personne ne me reconnaissait et je pouvais avec aisance me déplacer dans la ville sans que l'on ne se doute que j'étais une personne portée disparue que l'on croyait morte... Je n'avais toujours pas envie de retourner là-bas. J'aurai pu me trouver un nouveau nom et commencer une nouvelle vie, mais les humains me semblaient être des monstres à présent et les hybrides me passionnaient bien plus! Peu être que si le monde venait à changer, si les hybrides étaient libérés un jour, je finirais par accepter de reprendre ma place dans la société, pour l'instant je préférais me tenir à l'écart... Pourtant, il me fallait sortir de temps en temps: les gens du clan me faisaient confiance et m'utilisaient comme intermédiaire: contrairement à eux je ne risquais rien dehors, je pouvais agir à ma guise, acheter de la nourriture, récupérer des informations, etc... Et ce sans craindre les chasseurs ou la police. Enfin, temps que je ne volais pas.
Aujourd'hui, c'était pour rencontrer un hybride qui vivait parmi les humains et avait obtenu des informations précieuses sur le camp de dressage... Informations qui pourraient nous servir à libérer nos camarades capturés! Il disait que l'on se rencontrerait sur le troisième banc de l'allée centrale du grand parc municipal aux alentours de midi, mais il était déjà presque quatorze heures et pas de signe de lui. Il y avait manifestement anguille sous roche. Je décidais d'abandonner, me levais et commençais à marcher le long de l'allée. Je m'arrêtais à un stand pour acheter quelques beignets, comme ça j'avais l'air d'un passant normal. Chemise rouge à carreau, jean et bonnet, j'avais l'air d'un humain comme les autres. Personne ne pouvait se douter d'où j'allais comme ça!
Je m'arrêtais un peu plus loin, l'endroit était paisible, pas vraiment le souvenir que j'en gardais. C'était presque agréable finalement... Je sentais alors quelque chose se rapprocher de ma jambe... Un chien? Il est mignon! ... Eh! Mais il est en train de pisser sur ma chaussure! Je déteste le monde des humains! Voilà que la maîtresse du chien arrivait en courant, j'aurai pu m'énerver avec elle mais c'était juste un chiot et elle n'y pouvait pas grand chose. En plus elle était gentille et me proposait des mouchoirs pour nettoyer. Il y avait une fontaine à eau potable un peu plus loin, à coté du stand de beignet. Je supposais que la meilleure solution serait de rincer mes chaussures pour les laver!
- C'est pas bien grave, heureusement que ces chaussures sont étanches! Je vais les rincer à une fontaine et on en parlera plus, ne vous inqu..ie..tez... Pas.
Si mes paroles se faisaient lentes et hésitantes sur la fin, c'était tout simplement que je venais de regarder le visage de mon interlocutrice et quelque chose n'allait pas. Quelque chose n'allait vraiment pas. Ce visage m'était familier, trop familier. J'avais l'impression d'être en face de mon double, mais en fille. Je secouais la tête, je devais avoir l'air d'un fou.
- Excusez-moi, je manque de sommeil et mes sens me jouent des tours, j'espère que je n'ai pas l'air trop bizarre! Prétextais-je pour noyer le poisson.

Je me remettais de mes émotions et me hâtait de rejoindre la fontaine à eau pour nettoyer mes chaussures avant qu'elles ne s'imprègnent trop de cette odeur fortement désagréable... J'allais rentrer sans avoir accompli ma mission mais avec les pieds mouillés, voilà qui faisait bien ma vaine! Il ne manquerait plus qu'il pleuve et que les entrées aux souterrains soient bloquées, comme cela avait plusieurs fois été le cas cette saison... Quand il pleuvait beaucoup, avec les coulées de boues et les risques d'inondation... Je préférais ne pas me porter la poisse et arrêter d'y penser: si je continuais cela risquait encore d'arriver et je pourrais être fier de moi quand je n'aurais pas d'endroit où passer la nuit!
La jeune propriétaire du chien me proposait un mouchoir pour nettoyer mes chaussures, et de partir en quête de savon pour éviter que l'odeur ne persiste... Je la remerciais mais, pour le savon, ce n'était sûrement pas la peine: ces chaussures étaient déjà imprégnées de tant de choses que je n'étais pas à ça près... Même si l'odeur de l'urine canine restait assez particulière!
- C'est très gentil de votre part, mais pour le savon je pense que ça peut attendre que je sois de retour chez moi. Répondais-je en souriant pour la rassurer.
Je retirais mes chaussures et les rinçais à la fontaine en frottant avec mon mouchoir. Je ne l'écoutais qu'à moitié alors qu'elle se présentait, elle et son petit farceur à quatre pattes... Qui était en fait une farceuse! Ce n'était qu'en finissant de nettoyer mes chaussures que je réalisais ce qu'elle avait dit.
- Oh... Euh... Enchanté! ... Malgré les circonstances. Mon nom c'est M-... Je m'arrêtais une demi-seconde. Je ne pouvais pas lui donner mon vrai nom. Marc.
Voilà qui était mieux, je pouvais remettre mes chaussures et reprendre ma route pour rentrer à la maison! Enfin... Il valait peu être mieux attendre qu'elles sèchent un peu...