Regarde moi! ► PV Alexis White [END]

Regarde moi!

Une nuit de plus derrière les barreaux s'achevait. Il y avait un peu plus d'un mois que j'avais retrouvé ma place dans cette petite cage. Je me lassais de ces maîtres qui me choisissaient et me donnaient de l'espoir avant de briser mon petit coeur qu'il était si difficile de recoller. Ce que je voulais, pourtant, ce n'était pas bien compliqué... Juste trouver une place pour moi. Peu être que je devrais me méfier des humains, peu être que je n'aurai jamais cette chance qu'ont pourtant les autres. Depuis quelques jours, le patron m'avait déplacée près de la vitrine. Je pouvais regarder dehors et rêver. Je voyais chaque jour passer des hybrides avec leurs maîtres, certains s'entendaient tellement bien... J'étais envieuse. Je voulais leurs places. Puis je me disais que c'était mal de penser ainsi: ils y avaient droit eux aussi et je ne pouvais pas leur enlever cela. Je devais attendre mon tour.
Attendre, attendre, toujours attendre. Depuis le fond de ma cage, je ne pouvais que trouver cela ennuyant... Le vendeur m'avait donné une nouvelle robe. Elle était toute simple, noire, dos-nu pour laisser de la place à mes ailes, il y avait des dentelles sur la couture du bas. Je l'aimais bien, elle ne me gênait pas pour bouger, mais j'avais un peu froid parce que je n'avais rien pour me couvrir les bras.
Les heures passaient, je me demandais quand quelqu'un allait jeter un oeil sur moi. Les gens ne faisaient que passer, certains me parlaient mais après ils repartaient comme si de rien était. Sans doute pour adopter une créature d'une race plus noble. Une chauve-souris, cela n'avait rien d'attirant et c'était même effrayant... L'après-midi débutait. Je coiffais mes longs cheveux roses, cela m'occupais: j'étais du genre coquette et j'adorais être jolie! Un petit sourire se greffait sur mon visage. Peu être que quelqu'un me remarquera cette fois!

Regarde moi!

J'avais été sortie de mon état de rêverie par un bruit auquel je n'étais pas habituée. Certes il arrivait fréquemment que des gens négligents viennent s'asseoir devant la vitrine -me cachant ainsi toute lumière et ne me laissant voir que leur dos souvent plaqué contre ma cage- ou ne tapent dedans "par inadvertance". Mais là, ce bruit était vraiment comme un appel. Et aussitôt qu'il avait remarqué que je le regardais, le jeune homme de l'autre coté m'avait offert un sourire qui me touchait droit au coeur: c'était un sourire honnête, plein de bons sentiments. Je le voyais s'éloigner. Où allait-il? Non! Ne part pas! ... Suis-je bête! Voilà la porte qui s'ouvre en grinçant un peu. C'est lui! L'humain s'en va directement à la caisse pour parler au vendeur. Celui-ci se lève du tabouret où il passe d'ordinaire ses journées. Il emporte avec lui son énorme trousseau de clés. Je suppose que chaque cage a une clé différente. Cela doit être compliqué à gérer!
Est-ce qu'il va m'acheter? Clic-clac. Le vendeur ouvre la serrure. Mon visage souriant, radieux, se dégrade rapidement au moment où il m'empoigne et me tire dehors comme si je n'étais qu'un vulgaire poids mort.
-Je ne suis pas un sac de patates! M'empressais-je de lui faire remarquer. Et je peux marcher!
En guise de réponse, il serrait mon poignet encore plus fort et tirait pour m'obliger à presser le pas. Peu être qu'il ne me punissait pas car il pensait que ce qui m'attendait serait suffisant, ou parce que nous étions devant un client. L'humain nous suit, nous allons vers la réserve. Un air perdu prend la place de mon air indigné. C'est ici que sont les douches, ici qu'on prépare les nouveaux arrivants, et aussi ici que certains humains viennent "faire plus ample connaissance" avec certaines jolies hybrides. Cela ne m'était encore jamais arrivé mais j'avais déjà vu mes camarades revenir de là en titubant et en pleurant. Je ne pouvais qu'imaginer ce qu'il s'y passait. Disons que l'on "testait la marchandise". Mais il n'avait pas l'air comme ça! ... J'espérais.
Sombre. C'était le premier mot qui me venait à l'esprit en entrant dans la pièce mal éclairée et dépourvue de toute forme de ventilation/chauffage/climatisation. Le manque de lumière n'était pas pour me déplaire, je m'y sentais bien, mais l'air y était étonnement plus froid que dans la pièce principale. Qu'allait-il me faire? La porte se refermait et je me retrouvais seule avec lui. L'humain me donnait une chaise sur laquelle je m'installais, massant mon poignet endolori.
- Enchanté. Tu pourrais répondre honnêtement à mes questions ? Dit-il après s'être emparé d'une deuxième chaise.
Je me sentais un peu rassurée, pour l'instant.
-Je n'ai aucune raison de m'y refuser, mais je pense que ce doit être des questions très personnelles si vous m'avez fait venir ici...
Je tournais autours du pot dans le but de comprendre la raison de cette entrevue en toute intimité.

Regarde moi!

Si attentionné qu'il était, l'humain parvenait à me mettre en confiance. Il était grand, les cheveux noirs et semblait plutôt lambda, mais cela ne me déplaisait pas pour autant! Je n'aimais pas trop me trouver entourée de gens qui veulent se rendre intéressant par tous les moyens. Et cette gentillesse le rendait beaucoup moins banal! C'était une personne dont la compagnie était tout à fait agréable. Je me sentais dans mon élément, l'obscurité me mettait à l'aise même si j'avais du me contraindre a devenir diurne: les humains vivaient le jour, la boutique était ouverte en journée. Ils voulaient des hybrides qui vivent en même temps qu'eux, pas qui font du bruit la nuit dans les couloirs! Le client m'expliquait qu'il préférait simplement parler avec moi dans l'intimité pour éviter les mensonges forcés et les avis des vendeurs. Il avait bien raison. Qui plus est, il avouait que l'idée de ce qui se faisait habituellement dans cette pièce le rebutait. J'étais touchée! C'était la première fois que je rencontrais un humain qui ne se jetterait pas sur une jolie hybride si il en avait l'occasion. Il me demandait si j'avais des cicatrices ou des blessures cachées, et aussi si je savais tenir une maison en ordre, ce genre de chose. On ne m'avait plus demandé ça depuis belle lurette! On me remarquait plus pour mon charme que pour mes talents de ménagère!
-Je suis une demoiselle, je ne saurais laisser de tels animaux marquer mon corps! Fis-je, l'air outrée. Je me gardais de préciser que j'usais de mes canines sur tous ceux qui s'y essayaient. Pour ce qui est de mes capacités j'ai appris à tenir une maison comme tout bon hybride, et je pense que ce sont des choses qui ne s'oublient pas: une fois mes repères pris, je serais sans aucun doute une parfaite fée du logis!
Je me mettais en valeur, parce que je savais qu'il me regardait et c'était ce que j'attendais depuis si longtemps: on ne m'avait interrogée ni complimenté comme il le faisait depuis quelques temps. C'était très agréable!
-J'apprécie les compliments si ils ne sont ni hypocrites ni intéressés, mais je doutes que les vôtre le soient. Fis-je en souriant.

Regarde moi!

J'avais peu à peu l'impression de prendre le dessus sur la situation: il ne s'agissait de rien de plus qu'une opération séduction, si je lui plaisais j'aurai une chance de sortir d'ici alors je faisais de mon mieux. Ou presque. Mon mieux, c'était relativement énorme, il valait mieux garder quelques bonnes cartes dans mon jeu pour plus tard! Pour lui aussi, j'avais l'impression que c'était une opération séduction: il devait me plaire pour que j'accepte de lui appartenir. Curieux, car jamais aucun maître ne s'était à ma connaissance soucié de l'avis de son hybride avant de l'acheter! Je le voyais se rapprocher de moi et prendre ma main pour y déposer un baiser. Un geste délicat qui n'avait rien d'effrayant pour moi. Ce n'était pas la première fois qu'un être humain me touchait, et ce geste là ne laisserait pas de trace si ce n'est dans mes souvenirs. J'étais même rassuré. N'importe qui aurait peur des redoutables canines d'une chauve-souris vampire! Raison pour laquelle personne n'avait encore été pris de l'envie de me taper dessus comme il est de coutume lorsqu'un hybride est désobéissant. Lui me touchait sans s'en soucier. Mes joues se couvraient d'un rose léger lorsque sa main vint toucher mes ailes. Partie très sensible de mon corps, je n'étais pas habituée à ce qu'on les caresse de la sorte, et je devais avouer que c'était fort agréable! Cependant, je préférais tenter de ne pas trop le montrer. L'humain poursuivait son interrogatoire en me demandant si j'acceptais les contacts physiques comme celui qu'il venait de me donner sans m'en demander l'autorisation. Je souriais toujours. Il ajoutait qu'il souhaitait avoir ma pleine possession si j'acceptais ses "maladresses répétitives". Je ne pouvais que lui accorder.
-Hum... Je n'y vois pas d'inconvénient. Et il serait lassant pour vous de me demander constamment l'autorisation. J'apprécie le contact du moment qu'il n'intervient pas pendant que je mange, ce serait à vos risques et périls.
C'était une règle d'or. Me déranger en plein repas pourrai lui coûter une main alors cela n'avait aucun intérêt! Je poursuivais:
-Vous savez, tous les hybrides de ce magasin feraient tout ce qui est en leur pouvoir pour en sortir. Si cela pouvait être à vos cotés, j'en serais d'autant plus heureuse.

Regarde moi!

J'avais de la chance en ce qui concernait la tranquillité de mes repas, j'avais à coté de moi un grand mangeur qui aura tendance à choisir la nourriture plutôt que les câlins. Au moins je ne courrais pas le risque de lui croquer la main! Juste après, il m'expliquait que sa maison était encore en plein aménagement et qu'aucune autre chambre que la sienne ne pouvait accueillir une personne. Je devrai donc dormir dans la même chambre que lui de façon provisoire. Dans la même chambre, et aussi dans le même lit. Son visage rougissant me laissait devenir qu'il pensait à des choses qu'il ne mettrait pas en oeuvre. Cela me rassurait un peu. Je pouvais avoir confiance en lui. Mon nouveau maître allait voir le vendeur pour lui confirmer sa décision d'achat. Je ne pus entendre les propos du vendeur, mais je sentais que ce n'était pas très catholique. Comme pour me préserver, l'humain vint poser ses mains sur mes oreilles pointues. Je n'aimais pas trop qu'on les touche, mais je ne lui fis pas la réflexion. Il répondit au vendeur puis libérait mes oreilles. Le bonhomme, qui faisait le tour du magasin, ne se retint pas de se rincer l'oeil au passage. Agacée, je lui lançais un regard haineux en montrant les crocs, comme pour lui indiquer que rien ne me retenait de le mordre si il continuait son petit jeu. Mais mon maître semblait ne pas l'entendre de cette oreille, peut être n'avait il pas remarqué que je sortais les canines, toujours était-il qui m'assurait qu'il ne laisserait pas l'autre me tourner autours. Je lui souris et fit mine de rien. En effet, quand ce grossier personnage avait tenté de me toucher, lui n'avais pas hésité à lui dire de quoi il était capable. J'appréciais, je soufflais discrètement:
-Je me serais bien défendue, mais je ne veux pas vous effrayer...
Enfin, je voyais l'extérieur. Trop de lumière. Je mettais ma main en visière devant mon front. Je n'aimais pas vraiment les après-midi ensoleillée. Pourtant mon maître trouvait la journée parfaite. Il me rappelait que je devais lui dire si j'avais froid puisque je n'étais pas très habillée.
-Ça va, je suis habituée. Vous savez, c'est difficile de se couvrir quand on a deux ailes dans le dos. En fait, c'est plus la lumière qui me dérange...
Je songeais à une question que j'aurai du poser beaucoup plus tôt...
-Mais en fait, vous ne m'avez même pas dit votre nom, ni comment je dois vous appeler...