Pourquoi étais-je, ce jour, venu me perdre dans les bois? Pourquoi, dés le réveil en avais-je sentis le besoin? Je n'aurais su y répondre, pour la bonne et simple raison que j'ignorais le pourquoi des choses.
Ce dont j'étais certain cependant, c'est que j'en avais besoin, et c'est ainsi, après m'être douché et vêtu, que je m'étais enfoncé sous les frondaisons déplumées par l'hiver qui s'approchait.
Où allais-je? Là encore, je n'avais pas la réponse. Comme j'avais jadis l'habitude de le dire, je laissais mes pieds me mener où eux le désiraient. En réalité, je me mentais à moi-même. Je savais fort bien pourquoi j'étais venu. C'était le jour de ton anniversaire ma petite Mya... Et cela avait été le premier endroit que tu avais souhaité explorer avec moi. Voila pourquoi j'y venais.
Je te revoyais, folle de joie, à explorer les buissons rabougris, je te voyais aussi humer l'air humide et chargé de senteurs automnales, je revoyais ton sourire, ta bonne humeur.
Malgré moi, je serrais les poings, mes sens étaient aux aguets, et je me savais être seul, aussi, cette fois, rien que cette fois, je pouvais laisser s'exprimer ce que je cachais.
Il est vrai que l'on s'est parfois pris le bec, parfois même, on s'est bastonné, tu étais en ce domaine très douée, à ta façon qui n'avait rien d'habituelle. Tu avais tes armes, mais il y a une chose qui ne t'a jamais fait défaut, c'est le courage.
Je sentais mon regard se brouiller, si bien que d'un geste, je relevais mes lunettes, le temps d'en chasser ces preuves qu'il reste, quelque part dans la carcasse qui me sert de corps, un coeur, un coeur qui n'oublie pas.
Nous ne sommes pas venus souvent, sur ces zones que tu affectionnais tant, aujourd'hui, et bien que je ne le reconnaitrais jamais en publique, je le regrette, tu aurais sans nul doute été bien plus heureuse si tu avais pu y venir quand bon te semblait, même si tu ne t'es jamais plainte de cette vie.
Je portais la main à l'étui qu'il porte au niveau du coeur, pour en sortir un cigarillo, et le portais à mes lèvres. Comme à mon habitude, j'en mâchonnais l’extrémité, alors que je sortais mon feu, l'un des rares présents jamais reçu, lui aussi, vient de toi, et jamais je ne l'ai abandonné. Je l'ouvrais pour en faire sortir une flamme claire, lorsque j'eus la sensation de recevoir une claque sur la main. Instinctivement, je m'étais raidis, alors que je portais le regard autour de moi, toujours personne.
Un maigre sourire étira mes traits, satanée mémoire. C'est ce que tu avais fait lors de notre première sortie, et tu avais même ajouté, furibonde:
- Mais ça va pas bien non?! Tu sais qu'on est en forêt? Et tu vas venir empuantir le coin avec ta saloperie?! Ha non hein! A la maison, tu fais ce que tu veux, mais ici, c'est chez moi, je respecte ton taudis, respecte mon palace!
Bien sûr, tu avais attaqué, et pour t'emmerder, je l'avais allumé tout de même, ce qui t'avais rendue bougonne dés le retour, où tu avais pris un malin plaisir à cuisiner les choses les plus innommables pour empuantir la maison, et pourtant... Pourtant, oui, je donnerais beaucoup pour en revenir à cette époque.
Même si je ne te l'ai jamais dit alors, et même si je t'en faisais voir, tu apportais du soleil en ma vie Mya. Je ne sais s'il y a un paradis pour les hybrides, ou un enfer, ou quoi que ce soit, mais j'espère que dans cette après-vie, tu es heureuse, et que tout se passe bien pour toi.
Après un instant à rester, le regard perdu, dans le lointain, j'avais repris ma marche, à la recherche de ces souvenirs de toi, de nos échanges, que je n'ai pas perdu, non, mais comme tout emmerdeur que je suis, je les oublie volontairement, pour ne pas souffrir ton absence plus que nécessaire.